BLACK WIDOW

Cate SHORTLAND (1968-)

Etats-Unis, 2021

Scarlett Johansson, Florence Pugh, David Harbour, Rachel Weisz, Ray Winston, Olga Kurylenko

Dans la construction des phases du CMU, la Veuve noire incarnée par Scarlett Johansson tient un rôle central. Elle est introduite comme agente du SHIELD dès le film Iron Man 2 en 2010, joue les seconds couteaux de Captain America dans Le soldat de l’hiver en 2014 puis dans Captain America : Civil War deux ans après, tout en apparaissant dans tous les films Avengers de 2015 à 2019 quand elle se sacrifie dans Avengers Endgame. Autant dire qu’en la faisant disparaître, peut-être à la requête de l’interprète qui devait commencer à se sentir prisonnière du personnage, les studios Marvel ont un peu tué la poule aux œufs d’or. La réalisation d’un film stand-alone qui s’insère entre Captain America : Civil War et Avengers : Infinity War constitue bien sûr une manière de rentabiliser la combinaison entre une actrice charismatique et un rôle qui ajoutait une touche féminine dans une équipe très masculine.

Le scénario repose sur le passé de Natasha Romanova tel qu’elle le confie à Bruce Banner dans Avengers, l’ère d’Ultron. Ainsi le film s’ouvre, dans un pré-générique très bondien, sur la vie de famille de la jeune Natasha en Ohio en 1995, juste avant que son père ne les transforme en fugitifs en les emmenant à Cuba, étape vers la Russie. Sa famille n’est en fait qu’une couverture au service d’une entreprise d’espionnage, sur un mode d’infiltration digne des fantasmes sur la guerre froide pourtant finie et son pseudo-père n’est autre qu’un des super-soldats fabriqués par l’Union soviétique. Le générique illustre les années de formation de Natasha et de sa pseudo-sœur qui les transforment en tueuses aguerries, sur fond d’une reprise du Smells Like Teen Spirit de Nirvana dans une version qui a propulsé son interprète inconnue (Malia J.) en tête des charts [1] et qui n’est pas sans rappeler la reprise de Sweet Dreams de Eurythmics dans le Sucker Punch de Zack Snyder.

Des années plus tard, des tueuses s’affrontent dans les rues du Maroc pour la détention d’un mystérieux gaz. Après les événements de Captain America : Civil War, Natasha Romanova est une fugitive qui se cache en Norvège, mais elle est rattrapée par son passé sous la forme d’un colis que vient lui arracher un guerrier terriblement efficace. De Budapest à la Russie, la Veuve noire va recoller les morceaux de son passé en renouant avec sa pseudo-famille et achever de détruire l’organisation à l’origine de sa traumatisante formation.

Scénario très dominé par des scènes d’action spectaculaires comme il se doit et qu’on imagine difficilement ternes [2], mais qui n’est pas dépourvu d’émotion, d’humour et même d’auto-dérision. Ainsi le pré-générique pose bien les fondements nostalgiques du bonheur perdu, un bonheur très American Way of Life mais que la fausse famille trouve encore vrai des décennies après, si bien que le spectateur se demande ce qu’il regarde, tremble de voir basculer cette normalité tout en sentant que la rupture est encore plus inéluctable que Thanos. L’humour et l’auto-dérision viennent après, ponctuellement dans l’aventure, sous forme de moqueries complices échangées entre les « sœurs », notamment sur les poses adoptées par la Veuve noire, ou devant le ridicule du héros vieillissant que constitue le « père » qui par exemple peine à rentrer dans son ancien costume de super-héros.

Pour un film de ce genre, j’ai trouvé que c’était une réussite, une plus grande réussite que Black Panther avec un scénario moins convenu que celui-ci et une action plus musclée. Sans aller jusqu’aux larmes, il ne faut pas exagérer, le drame prend. Le témoin passe et Scarlett Johansson sort sur fond de procès lié à la diffusion du film sur Disney+, alors que son cachet dépend des entrées au cinéma. Comme tous les films du CMU, il s’intègre à un ensemble, notamment par sa scène post-générique en lien avec une des séries Marvel diffusées sur la chaîne de Disney et qu’il faut décidément de plus en plus intégrer à l’ensemble.