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Et tu la nommeras Kiev

dimanche 15 septembre 2019, par Maestro

Olivier BOILE (1981-)

France, 2018

Nestiveqnen, coll. Fractales / Fantasy, 252 p.

Olivier Boile est un auteur qui mérite d’être connu. Ecrivant depuis les années 2000, il a su apporter un souffle nouveau à une fantasy trop souvent convenue. D’abord, par le biais de romans humoristiques (Medieval Superheroes), ensuite, en trempant la fantasy au cœur du folklore russe. Il a ainsi signé le roman Nadejda et ce recueil de dix-huit nouvelles.

Plusieurs textes sentent bon les contes de fées d’antan, à l’image du texte éponyme, qui revient sur la fondation de Kiev et son ancrage dans le christianisme (au risque d’ailleurs de noircir à l’excès la période soviétique et d’essentialiser cette empreinte chrétienne). Il en est de même pour « L’arbre d’Oumila », qui croise panthéon scandinave et slave, autour de la fameuse dynastie fondée par le prince Rourik, ancêtre légendaire de la Russie. On peut en rapprocher « Sventovit, l’Enfant-Dieu », inspiré d’un épisode de la christianisation des rivages de la Baltique au XIIe siècle par les Danois, et qui démontre pour l’auteur que les divinités d’antan ne meurent jamais totalement. « Les fils du héros » plonge quant à lui ses racines dans la mythologie grecque, expliquant cette fois les origines du peuple scythe. « Les pies de la place rouge », publié initialement dans Dimension Moscou, évoque le règne funeste d’Ivan le Terrible sous un angle magique très poétique. « Du sang sur des mains de givre » est lui aussi très cruel, dévoilant ce qui peut se dissimuler derrière les mythes de l’enfance… Un des meilleurs textes du recueil, assurément.

« Que jeunesse se passe » est une très belle démonstration, à travers un miroir magique, de ce que la vieillesse installée peut renvoyer de dégoût à une jeunesse volontiers rebelle (tout comme, sur un mode plus simple, « Le gardien »). « Vassilissa et le cavalier de l’aube  » est une autre de ces variations sur un patrimoine folklorique fort riche, touchant ici le sort d’une ravissante jeune femme évoquant Cendrillon et un prince frappé d’une malédiction dont dépend le sort quotidien du monde. L’atmosphère de ces histoires n’est guère éloignée des légendes arthuriennes, ainsi de « Coule, rivière Soukhman », sur le sacrifice d’un preux chevalier face aux envahisseurs venus de l’est, ou de « Le chevalier gris  », et son personnage d’anti-héros ; chaque nouvelle est suivie d’une instructive postface, et dans celle-ci, Olivier Boile explique que « Le chevalier gris » ne fut pas retenu dans l’anthologie arthurienne qu’il souhaitait intégrer, ce que l’on peut sans doute expliquer par son caractère très – trop ? – nuancé et sa dimension plus contemplative. « Vingt-cinq millions de pardons » est également une histoire de malédiction, ici celle d’un chef Tatar qui ne parvient pas à expier sa responsabilité dans le déclenchement de l’épidémie de peste noire. « Les doigts des morts » relève davantage d’une mise en garde fantastique contre la convoitise,

«  Le chant de la Roussalka » nous permet de découvrir les naïades russes, à travers une belle histoire à la fois tragique et mélancolique. « Nadejda  » et son évocation d’une femme devenue arme a ceci d’intéressant qu’elle constitue le point de départ du futur roman éponyme. La période soviétique n’est pas oubliée, « Un garçon venu d’un autre monde » consistant en une uchronie à coloration fantastique, autour d’un champion de football surnommé le « Pelé russe », Eduard Streltsov. Quant à « Le dernier défi de Capitaine Soviet », c’est une sympathique métaphore de l’usure du système soviétique et des illusions de la propagande (malgré une erreur notable : Gorbatchev n’a jamais voulu empêcher la chute du mur par la population est-allemande). « Na Zapad ! », enfin, est difficilement classable, et cette colonisation de l’Europe par les cosaques résonne surtout comme un hymne à l’égard de ce peuple guerrier et explorateur.

Bien écrit, par un auteur digne d’un grand conteur, Et tu la nommeras Kiev est un très beau recueil, bel effort de renouvellement de la fantasy que l’on peut rapprocher de la récente série de Sandrine Alexie La Rose de Djam avec l’Orient arabe.

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