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Une nuit de terreur

dimanche 24 novembre 2019, par Maestro

Alain DELBE (1954-)

France, 2004

Nestiveqnen, collection Fractales / Fantasy.

Alain Delbe fait partie de ces auteurs discrets, touchant à différents genres, toujours avec talent. En 2004, Nestiveqnen publiait Le Complexe de Médée, un roman complété de plusieurs nouvelles, publiées sur plusieurs décennies dans des supports variés. Pour son édition numérique, toutefois, l’éditeur a choisi de scinder l’ouvrage en deux : d’un côté, le roman et deux nouvelles ; de l’autre, dix-sept nouvelles regroupées sous le titre Une Nuit de terreur. C’est donc uniquement ce dernier ensemble que nous évoquerons.

« Les guêpes  » présente la particularité d’être raconté du point de vue d’un jeune enfant, avec toute les maladresses et la simplicité que cela suppose. La malédiction d’une famille est ici traitée avec une certaine originalité, et quelques moments d’angoisse, de ces guêpes aux pouvoirs étranges jusqu’à cette créature rampante dans le grenier. Un bel exemple de fantastique rural. «  Les voyageurs » tient davantage du conte à la Borges, avec ses jumeaux marqués du signe de la vitesse : l’un cherchant à traverser l’espace par tous les moyens de déplacement possible, l’autre capable de se mouvoir à travers le temps, à la façon d’un Benjamin Button. Touchant. « La pince », qui se déroule lui aussi en Amérique du sud, relève de la même influence, abordant le thème des traditions religieuses, d’un paganisme survivant au christianisme, bien des points demeurant inexpliqués. Alain Delbe aime visiblement travailler dans un clair-obscur dont il maîtrise les codes.

Sur un mode plus humoristique, « Une nuit de terreur  » est une variation sur le thème du loup-garou, sympathique sans être inoubliable. « Le savez-vous ? » se moque avec une délicieuse cruauté de ces intellectuels méprisant si facilement tous ceux moins cultivés qu’eux, une forme d’aristocratisme que la nouvelle retourne avec délice. « Une aventure de Don Quichotte, entière et véritable, racontée par Sancho Pança » est un sympathique hommage où Cervantès croise la légende des Nibelungen. « Momie blues  » ose quant à lui la nécrophilie, un sujet délicat, pour le moins, qu’Alain Delbe sait peindre avec tendresse autour d’une histoire classique de momie égyptienne. On peut en rapprocher « Mary Daël  », puisque cette jeune femme est, elle, fasciné par un cygne ; plus que de zoophilie, pourtant, cette histoire dévoile une réalité qui tient davantage de Lovecraft ou de Rosny aîné.

« Jeux de cartes » met en scène une étrange série de meurtres, tournant autour du nombre 13 et du jeu de tarots, déclinaison efficace du fantastique. « Aïkido  » est une belle évocation de cet art martial, sous la forme d’un bilan de vie émouvant dans sa simplicité. « Tango » se centre sur ce style typiquement sud-américain, de nouveau, pour une histoire d’amour passionné et tragique. Dans ces deux textes, une forme d’art est le moyen, jamais innocent, pour accéder à un au-delà. « Les trois fils du Shogun  » est sans conteste une des nouvelles les plus belles et les plus puissantes : dans le contexte du XVIe nippon, voilà une histoire fort habile, qui en plus de se mettre en abyme, laisse une trace marquante grâce à ses personnages. Originale se veut également « Le baiser du sphinx », transposition d’un vrai trouble psychologique, à base ici d’une jalousie maladive ; un habile tour de force. Finalement, les histoires plus faibles sont rares, ainsi de « L’ours de la Filfa » et son thème de l’animal et de l’homme se singeant, mais dans un cadre sans doute peu efficient, voire de «  Eddy », une histoire de fantôme assez poignante, mais sans grande surprise.

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