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La Porte des mondes

dimanche 30 juillet 2017, par Maestro

Robert SILVERBERG (1935-), Chelsea QUINN YARBRO (1942-) & John BRUNNER (1934-1995)

Etats-Unis & Grande-Bretagne, 1967-1991

Mnémos, coll. "Intégrales", 2015, 368 p.

En 1967, Robert Silverberg faisait paraître La Porte des mondes, un roman jeunesse devenu depuis un classique de l’uchronie. Vingt-quatre ans plus tard, un recueil intitulé Par-delà la porte des mondes poursuivait l’exploration de cet univers, avec trois textes signés de Robert Silverberg, John Brunner et Chelsea Quinn Yarbro. Ce sont ces deux livres que les éditions Mnémos ont eu l’excellente idée de rassembler, et même si le qualificatif d’inédit pour le second ouvrage n’est que partiellement juste – « Tombouctou à l’heure du lion » avait déjà été publié dans Le Nez de Cléopâtre –, l’ensemble se révèle formellement soigné et fondamentalement prenant et efficace.

La Porte des mondes se présente comme le récit des aventures d’un jeune anglais, Dan Beauchamps, parti de son pays pour les Hespérides, afin d’y gagner pouvoir et richesse. Dans cette autre histoire, en effet, l’Europe fut saignée à blanc par l’épidémie de peste noire en 1348, perdant les trois quart de sa population. Elle ne put donc résister au XVe siècle à l’invasion turque, et du même coup, n’envahit pas le Nouveau Monde, laissant prospérer les empires aztèque et inca. En 1963, date du récit, le monde est dominé par ces puissances, auxquelles il convient d’ajouter les Russes et l’Afrique. Autre différence notable, la technologie y est moins avancée, sans véhicules aériens ni informatique, sans guerres mondiales non plus. En Amérique, Dan Beauchamps aura la chance de faire des rencontres successives, de découvrir la prospérité aztèque, et de vivre bien des aventures sur le territoire de ce qui aurait dû être les Etats-Unis, croisant des cannibales ou tombant amoureux. Finalement, «  En abandonnant ma folle idée de devenir riche par le moyen d’une conquête je montrais que j’étais adulte. » (p. 136) Voilà le type même du roman initiatique, dont l’autre grand intérêt est de refléter assez largement les idéaux de la nouvelle gauche d’alors : inversion de la suprématie occidentale , valorisation des populations amérindiennes et africaines, récemment décolonisées, jusqu’à une forme de pacifisme implicite.

Les trois nouvelles qui complètent le roman a posteriori ont ceci en commun qu’elles privilégient la dimension géopolitique, dans un contexte d’éclatement des empires (on est alors en pleine dislocation du bloc soviétique). « Tombouctou à l’heure du lion » est une immersion réussie dans l’empire Songhaï, en pleine fin de règne, avec au passage une critique du néo-colonialisme. « Sous le signe de la rose », de John Brunner, est le texte le moins convaincant, son repas à Cracovie entre individus d’apparence fort dissemblables, quelques mois après la mort du tsar de Russie, manquant quelque peu de dynamisme ; on appréciera néanmoins son utilisation de la métaphore de la Porte des mondes. Enfin, « L’exaltation des araignées », signé Chelsea Quinn Yarbro, est une plongée dans l’empire inca, mêlant visions du haut (les machinations de l’Inca Véritable pour se préparer à une guerre contre son rival, l’Inca Illégitime) et du bas (l’expédition chargée de nouer une alliance avec la puissance maori), sur fond de nécessaire rupture avec les traditions ; la description de cette société organisée en clans animaux est particulièrement marquante. Seul regret à l’égard de cette intégrale précieuse, l’absence d’une carte de ce monde, qui aurait constitué un complément utile et plaisant.

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