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Rouille

dimanche 16 mai 2021, par Maestro

Floriane SOULAS (1989-)

France, 2018

Scrinéo, coll. Jeune adulte, 384 p.

Avec ce premier roman, Floriane Soulas faisait une entrée remarquée dans un créneau pourtant aussi encombré que le périphérique parisien aux heures de pointe hors d’une période de confinement : le steampunk. Certes, son livre s’adresse à ce mystérieux public des jeunes adultes (quand je pense qu’à 10 ans, je lisais La Guerre des mondes ou La Machine à explorer le temps, la recommandation de la quatrième ciblant plutôt à partir de 13 ans…), mais il est à la fois suffisamment bien construit et dur pour s’adresser et plaire à tous, sans la moindre barrière d’âge.

L’héroïne de Rouille est en effet [1] une prostituée, Violante, alias Duchesse, qui travaille sous la houlette de son maquereau, Léon. Maison close (la série télévisée) en uchronie vapeur. L’intrigue se déroule à la fin du XIXème siècle, dans une France impériale toujours dirigée par la famille Bonaparte. L’accélération du progrès a permis aux nations industrialisées de se rendre sur la Lune et d’y découvrir de nouveaux métaux aux possibilités prometteuses. En outre, les inégalités sociales sont accentuées par l’introduction croissante, sur le marché du travail, d’automates de plus en plus perfectionnés, et inscrites en profondeur dans le paysage urbain via l’érection d’un dôme sur Paris isolant les privilégiés et de la misère, et des contraintes climatiques. Comme dans tout roman steampunk qui se respecte, on trouve également des dirigeables dans Rouille.

Violante (sic), la personnage principale, est une singulière fille de joie, puisque dotée d’une grande culture. Il faut dire qu’elle a totalement oublié son passé depuis quelques années, et qu’elle va s’efforcer d’en retrouver les morceaux manquants. Parallèlement, de nombreuses prostituées et enfants perdus (orphelins) disparaissent, et lorsqu’ils sont retrouvés, c’est généralement refroidis, amputés des mains et des yeux. L’enquête autour du serial-killer probablement responsable est l’autre fil rouge du livre, dramatisée par la diffusion d’une nouvelle drogue, la rouille, extrêmement addictive. Les révélations qui accompagnent le climax du roman résonnent alors comme une critique du transhumanisme et du commerce de la peur.

Outre une maîtrise du tempo narratif, Floriane Soulas parvient à présenter des personnages qui évitent généralement le profil archétypal et caricatural, grâce à une complexité relative mais bienvenue. Mention spéciale, bien sûr, au bordel dont la sympathie avec les pensionnaires est palpable ; dépeindre un tel milieu, sans faire l’économie des violences de tout ordre qui y règnent, est suffisamment rare pour être souligné. Au final, voilà un roman qui, certes, ne révolutionne pas le genre dans lequel il s’inscrit, mais témoigne d’une solidité dans l’écriture bien affirmée, et d’une réelle efficacité dans l’art de raconter les histoires.


[1NDLR : cet « en effet » laisse songeur la rédaction : il tend à faire penser que les plus âgés vont s’intéresser à Rouille parce que l’héroïne est une dame à l’affection négociable...

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