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Octobre, octobres

samedi 1er août 2009, par Maestro

Yves FREMION (1942-)

France, 1977

Kesselring, coll. "Ici et maintenant", 176 p.

Octobre, octobres est un recueil de nouvelles d’Yves Frémion, qui durant cette période dirigeait la revue Univers de chez J’Ai Lu. Curieusement introduit par Bernard Blanc avec un jeu confondant Lénine et Frémion, cet ouvrage très inégal contient tout de même son lot de pépites.

« Accoutumance » est assurément une des nouvelles les plus fortes, description tragique de la mort d’un équipage spatial composé de deux homosexuelles et d’un ordinateur en manque de Paganini. « Petite mort, petite amie » est une brève et touchante histoire d’amour incestueuse entre frère et sœur, dans un monde qui a banni toute pénétration, et où ceux qui la pratiquent meurent en même temps qu’ils jouissent de leur orgasme ; une condamnation implicite des moralistes sexuels, d’autant que ce monde se détruit lui-même. On retrouve ce rejet du sexe, remplacé par la conception in vitro, dans le plus énigmatique « Toreador, prends garde à l’œil de Kierkegaard ! » : succession de tableaux sombres, dans lesquels le viol et les ratonnades sont devenus rituels, afin de défouler les pulsions de violence, où les livres subissent des autodafés miliciens, les soldats une nouvelle forme de roulette russe, sexuelle, avec broyage du pénis à la clef… Texte inégal, qui semble écrit au fil de la plume, et s’avère assez décousu, malgré quelques touches de poésie. De même, la nouvelle éponyme résonne comme une ode à la révolution nécessaire, et derrière le prétexte de la survie post-atomique, on devine l’allusion à la révolution bolchevique et à la révolution indispensable pour dépasser la révolution.

Mais il est vrai que l’écriture de Frémion n’est pas évidente : allusive, voire absconse, elle oscille fréquemment entre le hors sujet et l’énigmatique (« Pestilence »). Ainsi, le thème de la mort est mainte fois décliné, mais sans élément science-fictif, mort d’une vieille bousculée dans son ordonnancement rassurant (« Il est plus de midi et le boulanger n’est pas encore passé »), mort par suicide (« L’homme immobile »), mort par irradiation nucléaire (le joli « Le tueur qui devançait son ombre ») ou mort atroce, sous un nom imprononçable, de militaires coincés sous terre. Pour l’énigmatique, on peut citer « Vivre, s’entend, mort… Jouir sans entrailles », dans laquelle les étudiants ingurgitent des connaissances au sens strict, avalant litres d’encre et subissant des overdoses de Beethoven. Surtout, « L’omphalosite sur le bout du banc », avec son caractère proche de la comptine, semble traiter de l’incompréhensible altérité, cette vision d’un individu encore doté de son cordon ombilical suspendu quelque part dans le ciel évoquant l’univers d’un Brussolo, en moins glauque. L’humour est également à la fête, dans « L’humanité, dimanche », gouleyante critique de la collaboration de classe, ici entre communistes, socialistes et clergé catholique, qui ouvre la voie au fascisme, ou « Fais pas cette tronche », les casses d’un gang adoptant les têtes de personnalités connues, mortes ou vivantes, ironique critique d’un système économique dans lequel l’argent ne s’accommode pas de la morale.

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