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Les Lames du roi, l’intégrale

samedi 7 juillet 2012, par von Bek

Dave DUNCAN (1933-2018)

Canada, 1998-2000, Tales of the King’s Blades

Bragelonne, 2011, 936 p.

ISBN : 978-2-35294-533-8

Pour être précis, cette intégrale des Lames du roi, qui réunit trois romans publiés précédemment et séparément par les éditions Bragelonne en 2004-2005, correspondrait - si un tel livre existait en anglais - à une intégrale d’une première trilogie consacrée par Dave Duncan à ses créations. L’avoir appelée Les contes des Lames du roi, l’intégrale eut été plus juste. La traduction de la deuxième trilogie, Les chroniques des Lames du roi, publiée de 2002 à 2004 en anglais, n’a jamais vu le jour, si tant est que le projet ait même été conçu. Alors est-ce que cela vaut le coup de commencer à rameuter les fans, faire chauffer les claviers, préparer les pages web, harceler l’éditeur sur le forum ?

« Il est un fort, sur la lande, où l’on envoie les enfants rebelles : le Hall de Fer. Quand ils en sortent, bien des années plus tard, ils sont devenus les meilleurs épéistes du royaume. Un rituel magique les a assignés à la protection d’un égide : le roi lui-même ou une personnalité de son choix. Ils le serviront jusqu’à la mort au péril de leur vie, qu’ils le veuillent ou non. Ils sont les Lames du roi. »

Accordons qu’il est un peu facile de recopier le quatrième de couverture, mais il faut aussi reconnaître que ce dernier constitue une explication tout à fait exacte de ce que sont les Lames du roi, sans rien oublier et surtout, chose plus rare pour un quatrième, sans raconter de bobards. Tout au plus faudrait-il préciser que le rituel magique en question est extrêmement dangereux puisqu’il requiert de l’égide qu’il plonge l’épée de sa future lame en plein cœur de cette dernière. Ce qui, quand on apprend que certaines Lames ont des sabres à lames courbes et d’autres des épées bâtardes, n’est pas rien. Il faut préciser ainsi que la Lame ainsi liée devient extrêmement chatouilleuse quant à la sécurité de son égide, ne supportant même pas, dans les premiers temps, d’être séparée de lui le temps qu’il se soulage dans un lieu idoine. Alors quand une Lame perd son égide dans l’exercice de ses fonctions, même si cet égide se suicide, elle devient folle et dangereuse car susceptible de s’en prendre aussi bien à elle-même qu’aux autres. Bien sûr il est quelques avantages à être une Lame. Les Lames disposent d’une énergie magique. Les Lames n’ont guère besoin de dormir, ce qui au premier abord pose le problème de l’occupation de la nuit, permet de mieux comprendre en partie leurs très grands succès auprès des dames.

Le roi qui les emploie est celui de Chivial, nation imaginaire dont l’auteur ne s’est pas embarrassé à faire la cartographie, mais a davantage creusé la magie, fondée sur huit éléments réels et virtuels, représentant les huit pointes de l’octogramme représenté en couverture et qui sert de base à toute conjuration. Il faut reconnaître qu’avec cette idée de Lame et cette forme de magie, Dave Duncan a fait preuve d’un bel esprit d’imagination et d’originalité. Le tout pourrait fournir une bonne base à un jeu de rôle, ou, tout au moins, les romans peuvent alimenter des scénarios.

Un autre effort d’originalité, moins convaincant cependant, réside dans l’organisation de la trilogie. Loin d’être une succession de trois livres retraçant les périples d’un héros ou d’un groupe de héros comme dans la plupart des bouquins de fantasy, la trilogie voit chacune de ses histoires se dérouler dans le même laps de temps. Certes, le premier volume, qui peut se suffire à lui-même, L’insigne du chancelier, couvre une plus grande période que les deux autres en retraçant la vie de la plus grande des Lames, sieur Durendal, que le service du roi Ambrose IV a fait monter jusqu’aux plus hautes fonctions.

Mais les deux tomes suivants - Le seigneur des Terres de feu et Un ciel d’épées - tournent aussi autour du règne d’Ambrose IV. Les deux livres forment un diptyque, surtout si l’on a lu L’insigne du chancelier. Le premier met en scène le destin particulier de deux hôtes du Hall de fer, amenées à se rendre au royaume de Baelmark, ennemi héréditaire du Chivial. Le second a pour personnage principal (c’est le cas de le dire !) la princesse Malinda, fille légitime du roi Ambrose IV.

Dans ses trois romans, Dave Duncan pratique beaucoup le retour en arrière : en particulier dans L’insigne où chancelier Roland se souvient de sa vie en tant que Lame et dans Un ciel, où la reine Malinda défend ses actes devant ses juges (héhé, si ça, c’est pas de la révélation...). Disons simplement que si le procédé contribue à rendre le récit haletant, il est parfois aussi un peu lourd car il donne l’impression de ne pas avancer dans l’histoire. Par ailleurs le dénouement d’Un ciel d’épées, qui résout aussi la contradiction finale du Seigneur des Terres de feu, a quelque chose du numéro de funambule qui ne m’a pas convaincu entièrement parce qu’un peu déplacé par rapport aux autres évènements des livres.

Si Dave Duncan a fait preuve de créativité pour la magie de son monde, il a été moins inventif pour son cadre politique et culturel. Le règne d’Ambrose IV n’est ni plus moins qu’une réécriture de celui du roi Henry VIII d’Angleterre, le personnage d’Ambrose IV lui-même étant directement inspiré du roi Tudor. On retrouve sans peine les autres inspirations : les problèmes de mariages et d’héritiers - en particulier le maladif Ambrose V, émanation du roi Edward VI, et Malinda, synthèse des reines Mary et Elisabeth Ières -, la propension à faire décapiter les gens (chancelier et épouse), le système politique identique avec un parlement bicaméral qui vote les subsides, le roi vivant de son bien comme les rois d’Angleterre, la guerre des élémentaires et les confiscations des biens équivalents de la confiscation des biens des monastères. On en passe et des meilleurs, dont la mode vestimentaire qui fait aussi très XVIe siècle tudor avec ses fraises. Le Baelmark est, lui, une inspiration plus travaillée des Vikings.

L’ensemble est supérieur à la somme des parties, et on peut féliciter les éditions Bragelonne de cette initiative qui rend accessible trois bons romans à un prix abordable en grand format. Alors forcément, le problème initialement posé est désormais d’actualité, quid des Chroniques des Lames du roi ?

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