Accueil > BDSF > Jour J > Le Crépuscule des damnés (Jour J, 21)
Le Crépuscule des damnés (Jour J, 21)
samedi 17 octobre 2015, par
DESSIN : MAZA
SCENARIO : Fred DUVAL (1965-), Jean-Pierre PECAU
Couleurs : Jean-Paul FERNANDEZ
Delcourt, coll. "Néopolis", 2015, 56 p.
Le Crépuscule des damnés, album un peu plus long que la normale dans la série Jour J, conclut une trilogie entamée dans Oméga et poursuivie avec Opération Charlemagne. On redécouvre donc les deux ennemis jurés, Léo Barjac, engagé dans la résistance au fascisme français, et le commissaire Laffont, un de ces policiers ayant adhéré sans aucun complexe au nouveau pouvoir du président Laval. Cette fois, la guerre contre le Royaume-Uni s’est aggravée, puisque la France doit non seulement affronter les Etats-Unis, ralliés aux Britanniques depuis le bombardement de Londres, mais également l’URSS de Staline, qui a envahi la Pologne, alliée de la France. Et ce n’est pas la présence de de Gaulle, pourtant victorieux en Afrique du nord, qui risque de suffire à inverser le rapport de forces. C’est donc à la déliquescence du pouvoir d’extrême droite en France que l’on assiste, menacé à la fois par un possible coup d’Etat militaire et par l’insurrection lancée par les communistes dans la région parisienne. Tandis que Léo participe à la reconquête de la métropole et s’efforce de retrouver Laffont, ce dernier, comme d’autres pontes du régime fasciste, espère trouver asile dans l’Espagne de Franco. Mais dans un pays en plein bouleversement, où les résistants et les ralliés de la vingt-quatrième heure affrontent les derniers fidèles d’Oméga, prêts à tous les massacres, l’on ne peut être sûr de rien.
Cette fin de guerre, qui évoque bien sûr celle de notre Seconde Guerre mondiale (le soulèvement de Paris, la découverte de camps de concentration, la fuite des collaborateurs, les ultimes armes secrètes incarnées ici par les jets français…), a un côté troublant : le sort du général de Gaulle, fidèle à son caractère et à ses répliques pour la postérité, l’illustre tout particulièrement. Mais le cas Simone de Beauvoir peut aussi être invoqué, elle qui fuit en compagnie d’un Louis-Ferdinand Céline à la gouaille irrésistible. L’entrée en guerre des Etats-Unis réutilise également les débats autour de l’éventuel laisser-faire de Roosevelt à l’égard du bombardement japonais sur Pearl Harbor, moyen de pouvoir entre en guerre avec l’opinion à ses côtés. Du côté des hommes politiques de la relève, si Pierre Mendès-France tient dans un premier temps les rênes du nouveau pouvoir, il est rapidement évincé au profit d’un certain François Mitterrand, qui fait enfin son entrée dans ce troisième tome. Car derrière Mitterrand, il y a Georges Albertini et son idéal de Synarchie, autrement dit les traditionnelles élites économiques, toujours habiles à tirer leur épingle du jeu. Là aussi, le parallèle avec notre réalité historique est intéressant, dans la mesure où l’épuration, on le sait, fut partielle et à géométrie variable. L’autre grand intérêt de cette trilogie uchronique, c’est de montrer, comme Zeev Sternhell face à René Rémond, que l’émergence d’un fascisme français était tout à fait possible dans l’entre-deux guerres.