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Mourir au hasard
dimanche 31 juillet 2016, par
Pierre PELOT (1945-)
France, 1982
Denoël, collection Lunes d’encre, 88 p., 2005.
Mourir au hasard est un roman de Pierre Pelot qui, en ce début des années 1980, se révèle tout aussi productif que dans la décennie précédente. On y est confronté une fois encore à un avenir dystopique, relativement proche, puisqu’on peut le situer vers le mitan du XXIe siècle.
Le monde est alors partagé entre plusieurs groupements d’Etats, parmi lesquels France et Territoires, qui regroupe la France et l’Afrique du nord (sans que l’on sache exactement les circonstances ayant conduit à ce curieux appariement) et constitue le cadre de l’intrigue. Si France et Territoires se revendique d’une idéologie résumée dans la formule « Abandon et Conquête », qui consiste en un productivisme aveugle visant à terme le départ de la Terre vers des horizons censés être plus accueillants, et qui fait du pays une succession de paysages industriels et d’habitation conformistes et tristes, l’élément majeur de cette société est ailleurs : un diagnostic pseudo scientifique, le DIPREV, a en effet été mis en place, rythmant la vie des individus dès leur naissance. Une estimation de l’espérance de vie est ainsi proposée, ainsi qu’un itinéraire de carrière, à charge ensuite pour les personnes de vérifier la validité du diagnostic initial tout au long de sa vie (vous êtes alors un voyant) ou de refuser d’affronter la « réalité » en face (vous êtes alors un aveugle). On a là comme une concrétisation de l’idéologie (néo) libérale, qui postule que chacun, à force de volonté et de compétence, peut réussir économiquement, sans tenir suffisamment compte des déterminants sociaux. La place centrale de la science est également au cœur de la problématique1, tout comme l’utilitarisme ici exacerbé de la logique capitaliste. Ainsi que le déclare Norman Blate, « Ce temps de vie que l’on prétend génétiquement inscrit dans les cellules des classes sociales aveugles, leur prétendue prédisposition aux tâches rudes de la production, leur incapacité intellectuelle à l’accession aux postes de travaux plus gratifiants. Sauf exception… Ils ne constatent pas un fait ; ils le décident ! » (p. 747).
La mort pratiquement programmée, il est possible de profiter de ses dernières années aux frais de la société, ou de faire appel à des natural killers, dont le métier est de supprimer les condamnés à mort du DIPREV en leur évitant de longues souffrances dues à des maladies (on pense ici au roman cousin de Jean-Pierre Andrevon, Le Travail du Furet). Zien Doors est un de ces assassins professionnels, en plein doute sur lui-même depuis qu’il a mal exécuté un de ses contrats, ce qui n’a fait qu’aggraver sa propre dépression. Le prochain, sur lequel il espère se refaire la main et redorer son blason, porte sur Norman Blate, un ancien as des médias, que le DIPREV voit mourir à 43 ans, âge qu’il a désormais quasiment atteint. Ce dernier a toutefois reçu une cassette d’un ancien collègue qui avait été annoncé comme décédé à l’étranger : il serait en réalité toujours vivant, et dévoile la véritable conspiration du silence du DIPREV. Pour vérifier la validité de ses accusations, Norman Blate sollicite l’aide de son vieil ami, Manuel Diex. Pendant ce temps, Zien Doors fait la rencontre d’Alex Orvial, un syndicuré luttant pour la démocratisation du DIPREV -façon de tacler certains syndicats ou partis politiques aux discours généreux mais qui ne remettent pas en cause en profondeur le système dans son ensemble ?- qui l’embarque dans sa fuite.
Tous ces différents personnages vont voir leurs parcours se croiser d’une manière tragique, laissant le roman se terminer en un cul de sac pour les deux survivants.