Le monarque noir

Raphaël RODRIGUEZ

France, 2022

Black Coat Press, coll. « Rivière blanche », série Blanche, 204 p.

La saga de Xavi El Valent, le bruixot, se composait à ce jour d’une trilogie écrite par Philippe Ward, Gildas Girodeau et François Darnaudet (épaulé pour partie par son fils Boris), comprenant Le Glaive de justice (2010), De Barcelona à Montségur (2013) – ces deux premiers ayant été repris dans la collection Hélios – et Détruire Roma ! (2019). Cet univers partagé s’était enrichi en 2015 d’un roman indépendant, Le Lycan blanc, écrit par Phil Becker, qui se plaçait légèrement en amont des événements décrits dans Le Glaive de justice. Raphaël Rodriguez, pour sa part, remonte encore plus loin dans le temps, s’intéressant aux origines de certains des protagonistes de la trilogie.

Son principal personnage, le Mercenaire sans terre, revêt d’abord la figure d’un vengeur énigmatique, qui poursuit de son ire les membres d’une même famille, celle des souverains du royaume franc. On découvre finalement qu’il s’agit d’un viking, unique survivant de son peuple et surtout de ses anciens cultes, qui a perdu sa famille lors d’un raid meurtrier commandé par les capétiens. Le monde de Xavi El Valent confirme ainsi qu’il s’apparente, par bien des aspects, à la fantasy à coloration historique prisée par Robert Howard, d’autant que l’Europe est alors en proie à l’invasion des Halteks, équivalents de nos Aztèques.

Thormuild, car tel est le nom du dernier viking, va effectuer plusieurs rencontres au fil de ses pérégrinations, autant de forces susceptibles de l’épauler dans sa mission : Mahaut, une femme d’origine noble qu’il sauve du viol ; Ja, un musicien aux origines orientales, accompagné d’un serpent géant, Chalti ; un être de pierre millénaire, Imnoia. Tous ont en commun d’être des marginaux, des survivants s’efforçant de trouver leur place dans un monde a priori hostile. Face à eux, Amalrik, le jeune roi franc, tétanisé par la peur d’être assassiné, et les sectateurs de l’Ordre noir, qui poursuivent leurs menées funestes ; on discerne là les origines du futur pape noir et de son souverain franc sous tutelle.

Le monarque noir ne manque pas d’idées ni de rebondissements, promettant une aventure échevelée cochant toutes les cases du genre. Les routes galliques, raccourcis féériques, ou Borval le seigneur des corbeaux sont quelques-unes des créations les plus marquantes de Raphaël Rodriguez, qui parvient également à proposer des moments d’émotion emplis de sincérité. Ce qui manque à ce roman, ce sont les multiples clins d’œil à la culture populaire et à l’actualité qui parsemaient les différents volumes de la trilogie originelle, même si on peut éventuellement voir dans la figure de l’oracle aveugle un pendant du devin si prégnant dans la série télévisée Vikings...

De même, des descriptions un peu plus fouillées, en particulier des combats, auraient été les bienvenues, et une relecture plus fine aurait permis de supprimer quelques répétitions. Le dénouement du roman ouvre en tout cas sur une révélation frappante, que l’on ne dévoilera pas ici, donnant envie de découvrir d’autres histoires prenant place dans le même univers.