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Le mémorandum Fuller

dimanche 23 octobre 2022, par Maestro

Charles STROSS (1964-)

Royaume-Uni, 2010, The Fuller Memorandum

500 Nuances de Geek, 2019, 322 p., traduction de David Creuze.

Petit rappel des épisodes précédents. Le cycle de La Laverie avait commencé à être publié en français chez Robert Laffont, dans la prestigieuse collection Ailleurs & Demain (Le Bureau des atrocités). Mais pour le second volet, c’est Le Cherche Midi qui s’y colla (Jennifer Morgue), sachant que les deux romans passèrent ensuite en format poche. La suite est une affaire de passionnés. 500 Nuances de Geek, spécialisé principalement dans les jeux de rôles – on lui doit la nouvelle édition de Berlin XVIII, mythique jeu des années 1980 – a en effet traduit et publié le recueil Equoïde et autres horreurs, ainsi que Le Mémorandum Fuller… On aimerait pour le coup qu’ils poursuivent leur entreprise, car le cycle de La Laverie comprend en version originale au moins six autres romans et une novella !

On retrouve donc Bob Howard dans ses œuvres, chargé d’une mission de routine qui tourne mal. Sa procédure d’exorcisme d’un ancien appareil membre du mystérieux Escadron 666 entraîne en effet la mort d’une civile innocente. Parallèlement, sa compagne (et son violon magique fabriqué à partir d’ossements humains) revient traumatisée d’une mission à Amsterdam, leur maison est attaquée par une entité ayant pris l’apparence d’un agent russe, et son supérieur Angleton disparaît sans explication. Bob Howard, symétrique inversé de James Bond, se retrouve ainsi mêlé à des enjeux qui le dépassent, mais touchent tout de même à l’AFFAIRE CAUCHEMAR VERT – pardon, à la fin du monde. L’intrigue, qui se dévoile par des plongées dans les archives, est liée à un personnage haut en couleurs, le fameux baron sanglant ou fou, Roman von Ungern-Sternberg, un des chefs de la contre-révolution blanche durant la guerre civile russe. Ayant déjà largement inspiré la fiction (de Bêtes, hommes et dieux d’Ossendowski à Corto Maltese en Sibérie), il la nourrit ici par un lien supplémentaire avec les horreurs lovecraftiennes et sa proximité avec le Bogdo Khan, leader mongol bouddhiste. Mais le propos de Charles Stross est d’une richesse plus grande encore, convoquant le Treizième Directorat – une agence russe spécialisée dans la lutte contre l’occulte –, les dispensationalistes prémillénaristes, couverture de la Fraternité du Pharaon noir, et même des zombies.

Mélange de classique (les cultistes, décidés à éveiller le dieu endormi dans sa pyramide sur un plateau situé dans un monde parallèle – Leng ?) et d’innovations très contemporaines, ce roman s’avère extrêmement plaisant, dépoussiérant avec brio le canon lovecraftien. Ce sont bien les mathématiques et l’informatique qui ouvrent vers des horreurs indicibles, et le fait que de plus en plus de gens les utilisent sur Terre ne peut que réveiller les Grands Anciens ! Surtout, le ton du narrateur, à la fois désabusé et typiquement british, s’avère irrésistible. Dommage cependant que les nombreuses références culturelles ne bénéficient pas de notes explicatives, tout comme certains éléments liés à l’histoire de l’informatique (qui connaît le Memex ou le langage Baudot ?). L’humour pince-sans-rire est donc de rigueur, avec de savoureuses trouvailles (le JésusPhone inventé par Steve Jobs, par exemple, rebaptisé le NecronomiPod – sic –). Et la critique de la bureaucratie est de nouveau prégnante, tant les circonvolutions administratives de La Laverie n’ont rien à envier à n’importe quel autre service étatique !

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