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L’Aigle et le cobra
dimanche 2 juillet 2017, par
DESSIN : FAFNER
SCENARIO : Fred DUVAL (1965-), Jean-Pierre PECAU & Fred BLANCHARD
Couleurs : FAFNER
La série uchronique Jour J a, depuis plusieurs tomes (le 21 pour être précis, Le Crépuscule des damnés), quitté les rivages de l’époque contemporaine pour ceux du Moyen Âge ou de l’Antiquité. Après un tome 23 consacré à la rébellion de Spartacus (La République des esclaves ), voici donc sa suite directe. L’album débute d’ailleurs par une visite du sénateur Brutus à César, homme au destin brisé, ayant vu ses yeux brûler lors de la répression qu’il mena contre les esclaves révoltés.
Comme si l’histoire manquante appelait à être comblée, c’est Marc Antoine qui, dans ce continuum, a mené la guerre des Gaules. Toutefois, confronté au même dilemme que César dans notre réalité, il a refusé de franchir le Rubicon, partant guerroyer en Palestine puis en Egypte, où il devint, avec un peu d’avance, l’amant et l’allié de Cléopâtre. Tous deux, au début de l’histoire, ont lancé une campagne militaire qu’ils mènent en personne, afin de lutter contre Pompée, devenu le maître pratiquement absolu de Rome. César, dans cette lutte, est censé incarner une voie médiane : s’il devenait consul avec Marc Antoine, il évincerait Pompée et éviterait un affrontement sanglant, voire fratricide, d’avec les armées d’Orient.
Le lecteur pénètre donc dans les luttes politiques romaines, très vives au sein d’une République en crise, opposant les puissants, jaloux de leurs privilèges, et les politiciens plus enclins à satisfaire au moins partiellement les attentes des plus démunis, ainsi que dans la Rome populaire. On découvre également la réalité crue de Subure, celle aussi des jeux, même si la mise en scène d’une course de chars à la Ben Hur apparaît par trop téléguidée. Si l’absence de certaines figures peut surprendre (ainsi de Cicéron), on en retrouve d’autres, à commencer par un Octave plus jeune mais déjà habité par l’ambition.
Le plus original tient toutefois dans l’apparence choisie pour Cléopâtre : elle est ici une beauté noire, bien loin donc de ce qu’on attendrait d’une descendante du Macédonien Ptolémée. Les personnages masculins, pour leur part, sont dessinés avec beaucoup de réalisme, en particulier dans les traits marqués du visage. Double jeu, tentatives d’assassinat, affrontements militaires à l’intérieur même de Rome, les moments d’action ne manquent pas, brillamment dessinés en plan large, et le dénouement de l’intrigue parvient même à atteindre un certain brio : outre le retournement du meurtre de César, plutôt habile, il faut mentionner l’épilogue, certes en partie dissocié du reste de l’histoire, mais qui se révèle particulièrement savoureux quant au sort réservé à Jésus et au christianisme… Un rappel partiel, et une autre alternative du sort du Jésus historique, du seul épisode antique antérieur de la série, La Secte de Nazareth (tome 15), clairement un des meilleurs.