Traqueurs de démons

Franck CASSILIS

France, 2018

Black Coat Press, coll. "Rivière blanche", série Blanche, 240 p.

Franck Cassilis est un jeune auteur des littératures de l’imaginaire, qui avait jusqu’à présent privilégié des textes courts. Le voici à l’œuvre dans un fix-up, un ensemble de nouvelles ayant en commun un trio de personnages : le taciturne chevalier Gadifer de la Salle, émérite chasseur de démons, son acolyte Amardin de Pornic, noble désargenté qui est aussi le narrateur de leurs aventures, et Marie, dernière ralliée à eux, mercenaire dont les talents guerriers n’ont rien à envier aux deux précédents.

Nous sommes au début de la guerre de Cent Ans, dans les années 1370, un conflit qui favorise l’émergence de créatures affidées de Lucifer. Dans un Poitou en pleine reconquête française, Amardin découvre d’abord un de ces monstres diaboliques, ce qui le conduit à devenir le compagnon de Gadifer (« La tanière du diable »). Tous deux sont ensuite confrontés à un village de pêcheurs célébrant un culte chtulhoïde, l’occasion de s’associer à Marie (« L’entité de Bernval »). Mais leur plus longue aventure les amène au cœur du repaire de la sorcière Mélusine, associée au Prince Noir d’Angleterre : ils y découvriront les fils de la première, et surtout le verger des limbes qu’elle a créé, zone frontière avec le Purgatoire… (« Le verger des limbes »). Enfin, quelques années plus tard, le trio se retrouve aux alentours de Rome, occupée depuis la fuite de la papauté à Avignon par l’engeance de Satan. Contenue par les mages au service du roi de France, elle menace d’être libérée, en raison de l’orchestration d’une vengeance implacable. L’occasion de découvrir les armées et la magie d’autres puissances, et un pape bien en peine face aux œuvres du Malin (« Les spectres de la Ville éternelle »). Malheureusement, les aventures de Gadifer de la Salle s’arrêtent ici.

Le reste des Traqueurs de démons consiste en deux nouvelles. La première est centrée sur un autre personnage, Aymeric de Flaury, que l’on pourrait considérer comme un prédécesseur de Gadifer (mais aucun lien explicite n’est fait entre eux, affaiblissant d’autant la cohérence de l’ensemble). Il agit en effet au XIe siècle, sous le règne de Robert II le Pieux, le souverain lui ayant confié une mission visant à dissiper une malédiction touchant un de ses vassaux. « Le veneur des cieux » est efficace, ouvrant même sur une forme de magie chrétienne ancestrale. Enfin, «  Le Nécromancien de Gasha » est un récit totalement indépendant des précédents, se déroulant dans un univers de fantasy proche de celui de l’empire romain en formation de la fin de la République. Plaisant, mais renforçant l’impression de patchwork procurée par le livre.

La prose de Franck Cassilis se lit avec grand plaisir, à la fois efficace et convaincante sur les scènes d’action. La fantasy mise en œuvre, ancrée dans un substrat historique bien réel, évoque aussi bien Entre Ciel et Enfer de Christopher Buehlman que la saga du Glaive de Justice, elle aussi publiée chez Rivière blanche. Impossible, également, de ne pas songer aux duos mythiques d’Elric et Tristelune, création emblématique de Michael Moorcock, ou de Fafhrd et du Souricier gris du cycle des épées de Fritz Leiber. L’envie de découvrir la suite des aventures de Gadifer et de ses compagnons est en tout cas bien réelle, avis à l’auteur !