Accueil > BDSF > Comics & BD américaine > Marvel Comics > John Byrne chez Marvel > Marvel : The Lost Generation
Quand Roger Stern et John Byrne collaborent, qu’arrive-t-il aux héros ?
Marvel : The Lost Generation
une perle à rebour
dimanche 17 novembre 2019, par
DESSINS : John BYRNE (1950-)
SCENARIO : John BYRNE (1950-) & Roger STERN (1950-)
Etats-Unis, 2000-2001, 12 numéros
Vers la fin du siècle dernier, John Byrne semble s’être intéressé à une des caractéristiques quasi-essentielles des héros de comics ou de bande dessinée : ils ne vieillissent pas alors que le monde change autour d’eux. Le premier résultat de ces cogitations donnèrent la série des Generations chez DC Comics, série dont je vous parlerai dans un avenir proche. La première mini-série Superman & Batman : Generations parut entre janvier et mars 1999, une deuxième suivit entre août et novembre 2001, mais entre les deux John Byrne réalisa ce que je pense être la meilleure de ses collaborations avec Roger Stern (et sans doute la plus longue) : Marvel : The Lost Generation.
Byrne part du principe que si les super-héros Marvel ne vieillissent pas, c’est parce que leurs aventures glissent dans la chronologie. Je vous donne un exemple, absolument pas anodin d’ailleurs : les 4 Fantastiques apparaissent pour la première fois en 1961. Certes, ils font partie des super-héros qui vieillissent dans une certaine mesure, puisque la famille Richards s’agrandit, mais ils ne vieillissent pas aussi vite que leur époque ne change. On peut donc considérer que leur première apparition ne remonte plus aujourd’hui à 1961, mais plutôt aux années quatre-vingt, et même peut-être même aujourd’hui à la fin des années quatre-vingt-dix. Cette réflexion, John Byrne l’a adoptée dès 1990, lorsque, scénarisant Iron Man, il abandonne la guerre du Vietnam comme cadre de ses origines. Tout le monde Marvel s’éloigne de plus en plus des événements de la Seconde Guerre mondiale qui virent apparaître Captain America [1]. Il y a donc entre la guerre et l’apparition des Fantastiques, toute une époque qui se voit dépourvue de super-héros. John Byrne s’engouffre dans la brèche du raisonnement [2] et imagine toute une pléiade de nouveaux super-héros en activité à l’époque de la guerre froide et qui plus est des super-héros qui vieillissent : c’est la génération perdue, c’est la First Line, la première ligne de défense de l’Amérique.
Perdue parce que personne n’en a entendu parler. Et pour cause : dans le premier numéro je veux dire le premier magazine à paraître de cette série en mars 2000, ils meurent tous en repoussant une invasion skrull (celle-là même dont les Fantastiques repoussèrent une avant-garde dans Fantastic Four #2 initialement en janvier 1962, mais plus tard dorénavant). Voilà pour le coup une génération éphémère. Deux personnages assistent à cette tragédie dont les tenants seront soigneusement gardés secrets : le Gardien, qu’on ne présente plus, et une jeune historienne Cassandra Locke venue du futur pour enquêter sur les rapports entre les Skrulls et la Terre. Et après ? Créer autant de personnages (j’en ai dénombré au moins seize) pour une aventure de vingt-deux pages, c’est beaucoup de travail pour pas grand chose.
Et là, voici la deuxième idée géniale, - la première consistant à combler l’espace chronologique grandissant -, cette première histoire est en fait une fin, le numéro 12 d’une série dont tous les numéros suivant vont diminuer en numérotation jusqu’au numéro 1, l’action de chaque numéro se déroulant quelques années avant les événements des numéros précédents, notre historienne remontant le temps pour essayer de comprendre et d’éviter l’enchaînement des événements. Cerise sur le gâteau, elle n’apparaît pas dans tous et son parcours ne suit pas la chronologie, au risque d’embrouiller encore le lecteur [3].
Au fil de la lecture, nous découvrons donc les origines, les trajectoires, les drames et les amourettes des personnages dont certains n’apparaissent que dans un épisode. Quelques uns constituent un fil rouge plus aisé à suivre que l’historienne, c’est notamment le cas de Black Fox ou de Mr Justice. D’autres sont des allusions à des événements passés avant d’apparaître tel Clipper. Ils n’ont sont pas moins essentiels. Pour certains nous verrons même les origines et même la famille. D’autres ne sont que des figurants, mais le lecteur se trouvera bien d’être attentifs aux détails qui pourraient expliquer tel ou tel événement à venir dans le temps chronologique, mais passé dans le temps de la lecture. J’ajoute que Byrne et Stern ont placé ça et là quelques caméo de personnages Marvel plus connus, certains comme Yéti étant même intégré à la First Line.
Devant une telle inventivité, j’avoue une certaine incompréhension devant l’absence de publication française et devant l’absence d’une publication américaine en volume omnibus. Peut-être le style graphique de John Byrne, encore très proche de ce qu’il avait fait en 1991 sur 2112, ne plaisait plus au lectorat de la fin du siècle et la série n’a pas eu de succès commercial... Je ne peux pour ma part m’empêcher d’y succomber, surtout si je compare aux dessins rencontrés dans les comics des années quatre-vingt-dix et encore plus dans ce qui se fera dans la saga Civil War en 2006. Pour lire Marvel : The Lost Generation, il faudra donc beaucoup de volonté pour mettre la main sur les douze fascicules ou mettre la main au porte-monnaie et s’offrir le deuxième tome de Marvel Universe by John Byrne paru en 2018.
Une dernière chose ou plutôt un aveu : pour vous protéger d’un divulgâchis, j’ai dû vous mentir et bien sûr taire certains détails.
N° | Date | Titre | Epoque(s) de l’action |
---|---|---|---|
12 | mars 2000 | This Is Where It Ends ! | 80’s |
11 | avril 2000 | Fith Column | |
10 | mai 2000 | Secrets : Great & Small | |
9 | juin 2000 | Unholy War | Après que le scandale du Watergate a éclaté (1973) |
8 | juillet 2000 | The Tomb Of Diablo ! | Après la réélection de Nixon (1972) ? |
7 | août 2000 | Highly Placed | |
6 | septembre 2000 | Crisis of Conscience | 1969 |
5 | octobre 2000 | Wild in the Streets | |
4 | novembre 2000 | Lightning In The Day | 1963 |
3 | décembre 2000 | Mad To Live | 1961 |
2 | janvier 2001 | After... And Before ! | 1958 |
1 | février 2001 | It’s Starting Again... | 1955 |
[1] Lequel avec une telle logique ne passe pas vingt ans dans la glace, mais plutôt quarante...
[2] Qu’il a d’ailleurs plus ou moins mis en pratique déjà en décembre 1999 en imaginant les aventures des X-Men dans le laps de temps où elles n’étaient pas publiées, entre 1970 et 1975. C’est la série X-Men The Hidden Years qui durera le temps de 22 numéros, de décembre 1999 à septembre 2001.
[3] Son trajet suit l’ordre suivant : n°12, n°10, n°9, n°8, n°4, n°7, n°3 et n°1.