Alpha Flight by John Byrne (2^ème partie)

Dessins : John BYRNE (1950-), John CASSADAY (1971-), Mike MIGNOLA (1960-), Al MILGROM (1950-) & Paul SMITH (1953-)

Scénarios : John CASSADAY (1971-), Chris CLAREMONT (1950-), John BYRNE (1950-), Bill MANTLO (1951-), Louise SIMONSON (1946-), Ben RAAB (1970-) & Jim SHOOTER (1951-)

Au commencement était la fin. Alpha Flight, le comics, prend donc son envol deux ans après la dissolution de l’équipe par le gouvernement canadien pour réductions budgétaires. Cependant si ce premier numéro, paru au début de l’été 1983, pose quelque chose ce n’est pas tant la reconstitution de l’équipe comme tend à le faire croire la réunion clôturant l’épisode. De fait, sous la plume et le crayon de leur géniteur, les super-héros canadiens vont connaître bien des vicissitudes, comme de juste, mais qui soulignent pour la plupart le manque de cohésion de l’équipe qui voit sa constitution fluctuer non sans tragédie, car il ne fait pas toujours bon d’être un super-héros dont la vie est dirigée par John Byrne.

Une équipe alpha sans oméga

Sur les 28 numéros mis en œuvre par celui-ci 12, soit un gros tiers, mettent en scène des aventures isolées de l’équipe. Ainsi Puck enquête-t-il sur un trafic de drogue au sein d’un hôpital (n°5, automne 1983), Harfang affronte-t-elle un des Grands Monstres dans un épisode qui n’a pas dû demander beaucoup d’encre (n°6), les jumeaux Beaubier volent-ils au secours d’un ami à eux (n°7 & n°8), Sasquatch met-il en échec le super-skrull (n°9 & 10) et Guardian s’apprête-t-il à déménager à New York (n°11). Les douzième et treizième numéro voit la réunion de l’équipe dans des événèments à l’issue tragique sur laquelle je reviendrai, puis cela recommence : jusqu’au numéro 23, à part le numéro 19 qui réunit Shaman, Harfang, Puck et une nouvelle, peut-on parler d’équipe ? Puck, Heather et Marina se retrouve à nouveau face au Maïtre du monde (n°14 à 16) ; Shaman aide sa fille à révéler ses pouvoirs (n°18) ; Sasquatch et Aurora tente de vivre le bel amour mais c’est sans compter sur leurs antécédents familiaux (n°20 à 22).

Dans les cinq derniers numéros, le lecteur se retrouve davantage dans la norme des aventures d’équipes de super-héros. Paradoxalement, ce sont d’autres artistes qui vont utiliser l’équipe soit comme special guest star de l’Araignée dans Marvel Team-Up Annual n°7 en juin 1984 ou de Rom dans les numéros éponymes 56 à 58 (printemps 1984), soit dans une mini-série crossover avec les X-Men [1].

La question de l’existence même d’un équipe mérite donc d’être posée si l’on songe que le numéro 12 voit disparaître Guardian qui constituait le point d’ancrage de la formation. La mort de James Hudson laisse songeur quant à la manière dont J. Byrne mène son projet. Sans doute a-t-il voulu laisser davantage de place à Heather, l’épouse de Hudson, qui va peu à peu porter le rôle de leader, avant de revêtir son armure peu après le départ de Byrne (n°32, décembre 1985). C’est une idée qu’il doit avoir eu assez tôt puisque le numéro 1 faisait endosser à Heather la convocation de l’équipe pourtant dissoute. Byrne fait par ailleurs de Hudson une sorte de docteur Frankenstein dépassé par sa création. Outre qu’il contrôle mal sa Division Alpha, Hudson s’est attiré la vindicte de la division de réserve qui affronte par deux fois l’équipe-mère.

Si les rebondissements sensationnels contribuent à fasciner le lectorat, celui-ci induit que la question de la formation de l’équipe est un véritable serpent de mer et ne cesse de se poser. C’est le successeur de Byrne, Bill Mantlo, au scénario pendant 38 numéros, qui recrée vraiment l’équipe... dès sa première prise en charge. Force est de de constater cependant que le travail de John Byrne se caractérise par une série sur une équipe de super-héros... qui en est à peine une. Mais c’est sans doute parce qu’il a prêté une grande attention aux personnalités de chacune de ses créations.

...des électrons libres ? Une équipe instable

De fait les personnalités de chacun font l’objet de soigneuses mises en scène. Ce n’est pas franchement nouveau dans le monde du comics et surtout pas chez la Compagnie Marvel dont les problèmes personnels de ses héros ont fait les choux gras dès les années 70, mais, c’est particulièrement fort dans la Division Alpha à ses débuts et peut-être John Byrne s’inspire-t-il de son run à succès conjoint avec Chris Claremont sur les X-Men.

Chez les « Alphans », cela se traduit par un manque de cohésion. Pensez donc ! Véga est un individualiste qui renâcle à intégrer l’équipe et ne le fait que pour sa sœur Aurora, laquelle est une schizophrène dont les personnalités prennent tour à tour le contrôle et diffèrent totalement, l’une introverti se refusant à accepter ses pouvoirs. Marina se révèle dans les premiers épisodes comme perpétuellement sur le point de basculer dans un côté bestial et il en va de même chez Peter Langowski alias Sasquatch. On découvre peu à peu que Puck souffre de sa condition de nain. Harfang est une créature à moitié divine à l’image des héros de la mythologie grecque avec laquelle elle partage un fatum tragique. Peu d’équipe compte autant de « monstres » ou se considérant comme tels. Shaman a lui des problèmes avec sa fille. Mais cela peut aussi sa traduire par des héros qui font des apparitions dans d’autres séries comme celles de Peter Langowski dans les numéros 266 à 268 de Fantastic Four alors dessiné et scénarisé par un certain... John Byrne ou Shaman dans Iron Man n°195 & 196 au début de 1985.

Paradoxalement pour une équipe instable, il n’y a pas tant de turn-over que cela, mais cela peut aussi s’expliquer par le fait que Byrne ne voulait pas s’ajouter de nouveaux personnages à gérer : ses héros ne font pas que de la figuration. Mentionnons quand même l’apparition de Talisman (épisode n°18), celle de Box et de son complément Madison Jeffries, deux membres de la Division Béta. En revanche, les héros sont malmenés à un degré rarement atteint auparavant : Guardian et Sasquatch sont tués, Marina est un monstre et dans la dernière image de la dernière planche dessinée par John Byrne on voit Hulk démolir Box, à peine quelque page après que Talisman ait voué aux gémonies la Division.

Conclusion

A l’issue du numéro 28, le dernier de la série auquel il ait présidé, John Byrne affirme avoir laissé à d’autres les aventures de ses super-héros canadiens ayant fini de raconter ce qu’il voulait raconter. Rarement les aventures d’une équipe auront autant dû au passé de ses membres : James McDonald Hudson meurt d’une vengeance ; Harfang a une destinée et le passé des Beaubier constitue la base de leurs aventures. Au final, si l’équipe a peu être présentée comme pouvant être l’équivalent canadien des Avengers, cela n’a jamais été que le temps de sa rencontre avec les X-Men sous la plume de Chris Claremont. Jamais John Byrne ne donne cette impression, lui qui maintient la dissolution de l’équipe et même la malmène fortement. Quand Bill Mantlo récupère le titre, il opère donc un retour à la case départ et ouvre une autre histoire.