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Quand Roger Stern et John Byrne collaborent, qu’arrive-t-il au héros ?

Captain America : la légende vivante

dimanche 3 novembre 2019, par von Bek

DESSINS : John BYRNE (1950-)

SCENARIO : Roger STERN (1950-)

Etats-Unis, War & Remembrance, 1990

Panini, 2008, 184 p.

En 1980, Roger Stern se voit proposer de scénariser Captain America et, selon ses propres mots, quand il téléphona à son ami John Byrne pour lui annoncer la nouvelle, celui-ci voulut immédiatement en être le dessinateur. Leur coopération sur le titre débuta avec le numéro 247 de juillet 1980, mais elle ne dura que neuf mois. Ces neufs épisodes sont considérés par les fans comme un des meilleurs run de la série, d’où leur édition en un volume.

Quand les deux compères héritent du Captain, la biographie du personnage présente une incohérence majeure dans ses origines : d’une part, le Steve Rogers créé par Simon et Kirby en 1941 est d’origine modeste ; d’autre part les prédécesseurs de Stern et Byrne lui ont conféré une origine plus aisée. Aussi le premier épisode de leur collaboration visa-t-elle à dénouer cette situation et fournit le point de départ à la première aventure qui voit la confrontation de Captain America avec le Machinesmith (un temps baptisé l’Inventeur à la belle époque des éditions Lug) s’achevant au n°249 . Mais la question des origines est fondamentale dans les épisodes, car le numéro 255, en plus d’être le dernier de leur association, était surtout celui du 50e anniversaire du héros ! Stern et Byrne le consacrèrent donc à remettre en scène la naissance de Captain America.

Ce n’est cependant pas leur seul numéro à revenir aux sources. Ce qui est sans doute le meilleur diptyque du volume réside dans les numéros 253 & 254 de janvier et février 1981 [1]. Captain America y répond à un appel à l’aide de son ancien coéquipier de guerre Union Jack. Celui-ci et sa fille, Spitfire, ont bien évidemment vieilli, et doivent faire face à un curieux agresseur vampiresque lequel s’avère être le Baron Blood, un autre personnage appartenant au passé de la Seconde Guerre mondiale. Le lecteur découvrira ici une histoire qui concilie avec brio nostalgie et énigme tout en sortant un peu du schéma traditionnel du comics américain.

L’histoire qui couvre les épisodes centraux (n°251 & n°252) est en revanche des plus classiques puisque le héros y déjoue le chantage exercé par Mr Hyde et son associé, peu enthousiaste il est vrai, Batroc le sauteur. C’est cependant l’occasion de souligner à quel point les arts populaires peuvent sombrer dans la caricature. Batroc est en effet un Français et comme tel pratique bien évidemment... la boxe française ou savate. Ses propos sont ponctuées de « Monsieur » et d’expression pour la plupart digne d’Arsène Lupin telles que « Sacrebleu » et « Nom d’un chien », celle-ci n’étant pas encore trop désuète. « Le Fin » qui remplace le « The End » montre à quel point il peut y avoir des lacunes documentaires.

Reste le récit le plus original, bouclé en un numéro et qui voit Captain America être sollicité pour se présenter à l’élection présidentielle. Son origine réside dans la coïncidence entre la parution du 250e numéro et les élections présidentielles de 1980. Nous sommes ici complètement en dehors des rails du comics de super-héros. Il y a certes une bagarre au début, mais c’est la seule, les combats se livrant entre Captain America, la pression du public et de son entourage, et sa conscience. Cette aventure met cependant en relief une conception simpliste des hommes politiques prêtée par les auteurs aussi bien aux citoyens américains - un voisin de Steve Rogers déclare qu’il pourrait bien voter pour la première fois si Cap était candidat - qu’aux héros - Nick Fury y déclarant qu’il va vérifier qu’il est bien sur les listes des électeurs, ce qui suppose une faible participation de sa part et Iron Man évoquant la corruption des politiciens - pour mieux combattre justement cette même vision populiste puisque le parti qui sollicite Captain America est ni le parti démocrate, ni le parti républicain, mais le New Populist Party dont le nom lui-même reprend bien les préjugés des personnages. N’eut été le clin d’oeil des propos de Jameson quant à « ce qui arrive quand les stars de cinéma se présentent à la présidence » alors même que Ronald Reagan est le candidat républicain, j’aurais presque pu croire à une approche neutre de la politique [2].

En tout cas, c’est surtout ce numéro et l’aventure en Angleterre qui m’ont séduit dans ce run et qui font regretter qu’il ne se soit pas poursuivi plus longtemps. En mars 1981 les deux compères arrêtent pour une raison sur laquelle Roger Stern ne souhaite pas s’étendre dans son préambule, mais que Sean Howe attribue à leur refus commun de suivre les injonctions de leur éditeur Jim Shooter [3]. L’explication apparaît peu convaincante, mais en tout cas l’arrêt de cette collaboration ne semble pas à attribuer à une dispute au sein du duo car, dès septembre 1981, les deux artistes collaborait sur le numéro 58 de Spectacular Spider-Man et continuait à œuvrer ensemble des années après avec Marvel The Lost Generation.

Date Adversaires Personnages
247 juillet 1980 Le Machinesmith ou l’Inventeur Nick Fury, Dum Dum, Strucker,
248 août 1980 Bernie Rosenthal (1ère apparition), Dragon Man
249 septembre 1980
250 octobre 1980 le Fauve, Iron Man, la Guêpe, la Vision, Bernie Rosenthal
251 novembre 1980 Hyde & Batroc le sauteur Bernie Rosenthal
252 décembre 1980
253 janvier 1981 Le baron Blood Bernie Rosenthal, Spitfire, Union Jack
254 février 1981 Sptifire, Union Jack
255 mars 1981 les nazis Bucky

[1Remarquons que pour les mêmes mois Byrne dessina l’excellent Futur antérieur dans Uncanny X-Men.

[2A noter que peu après, en janvier 1981, un numéro de la série What if... ? dû à Herb Trimpe et Mike Barr imaginera cette élection (note ajoutée en avril 2023)

[3Celui-ci n’aurait pas voulu qu’ils étirent les intrigues sur plus de deux épisodes en violation d’une sacro-sainte règle maison destinée à faciliter l’accès des nouveaux lecteurs. Cf. Sean Howe, Marvel Comics, The Untold Story, p.237-238 (édition électronique). L’explication semble d’autant plus légère que Byrne n’était pas gêné par les intrigues de Claremont. Remarquons par ailleurs qu’il arrête en même temps de collaborer avec Chris Claremont sur Uncanny X-Men. A cette époque, notre dessinateur est particulièrement désireux de scénariser ses propres dessins.

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