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Quand Chris Claremont scénarise et John Byrne dessine, qu’arrive-t-il au héros ?

X-Men, l’intégrale (1977-1981)

John Byrne & Chris Claremont, acte III

dimanche 14 avril 2019, par von Bek

DESSINS : Brent ANDERSON (1955-), John BYRNE (1950-), Dave COCKRUM (1943-2006), , Tony DEZUNIGA (1932-2012), Bob McLEOD (1951-), George PÉREZ (1954-2022), John ROMITA Jr (1956-), Josef RUBINSTEIN (1958-), Jim SHERMAN, Bob WIACEK (1953-)

SCENARIOS : Chris CLAREMONT (1950-), John BYRNE (1950-) & Bill MANTLO (1951-)

Etats-Unis, 1977-1981

Panini, 4 vol.

Depuis la relance du titre X-Men au printemps 1975 [1], Chris Claremont est au scénario en collaboration dans un premier temps avec Len Wein, un des pères de la nouvelle équipe, ou Bill Mantlo, puis en solo à partir de novembre 1975. L’équipe comprend alors Cyclope, Wolverine et Tornade, Colossus, Thunderbird, Diablo, le Hurleur, ces derniers étant des créations de Len Wein et de Dave Cockrum qui reste au dessin. Rapidement, la patte de Claremont se fait sentir sur les personnalités et les évolutions du scénario : les premières sont plus approfondies et le récit comprend une bonne dose d’introspection ; les personnages sont moins politiquement corrects (Tornade est une voleuse ; Wolverine est un psychopathe), et Chris Claremont n’hésite pas à en éliminer comme ce fut le cas de Thunderbird. Surtout il semble poser davantage de jalons que ses condisciples, annonçant des aventures à venir, tels que la transformation de Jean Grey en Phénix dans X-Men #101, tout en réutilisant des personnages de l’ancienne époque tels que les Sentinelles (X-Men #98, janvier 1976).

Concrétisation de ces évolutions, les histoires de Claremont ne se déclinent plus vraiment sur un ou deux épisodes, comme c’est généralement le cas dans les comics [2]. Depuis fin 1975, il joue avec ce principe en écrivant des aventures qui en apparence s’inscrivent dans le cadre classique, mais qui en fait s’intègrent à un récit plus vaste que j’appelle la Saga d’Eric le Rouge [3], Eric le Rouge étant un personnage qui manipule des adversaires des X-Men ou même des héros tels que Havok et Polaris.

L’année 1976 va permettre aux lecteurs de découvrir les buts poursuivis par Eric le Rouge, puis d’assister, dans X-Men #103 paru en novembre, au règlement de la confrontation commencée en décembre 1976, entre les X-Men et Black Jack Cassidy, le cousin du Hurleur, associé au Fléau, le frère de Charles Xavier, tous deux manipulés par Eric le Rouge qui, le mois suivant, libère Magnéto. Pendant les quatre numéros suivants - X-Men est bimestriel à cette époque - les auteurs s’emploient à achever la saga, mais l’avant-dernier numéro de l’année, le 108 de septembre, voit un changement majeur avec l’arrivée de John Byrne au dessin. Aussi talentueux qu’ait pu être Dave Cockrum, - il ne faut pas oublier le rôle fondamental qu’il a joué dans la création des personnages -, le style de John Byrne constitue une véritable révolution : un trait plus précis, des visages plus finement dessinés, beaucoup plus de fluidité dans les mouvements, autant de qualités qui associés aux scénarios de Chris Claremont, auxquels John Byrne apporte sa contribution, conduisent au succès de la série : les ventes explosent.

Le passage de témoin ne s’est semble-t-il pas fait sans heurt. Si l’on en croît Sean Howe, dans son ouvrage Marvel Comics, The Untold Story [4], John Byrne bouillait d’impatience de remplacer Cockrum. Ce dernier évoque qu’à ses visites chez Marvel, Byrne mettait tout le monde en colère. Il ajoute être resté le plus longtemps possible pour ennuyer le Canadien. C’est sans doute le projet de mensualiser le titre qui a rendu inévitable le changement : Cockrum ne pouvait pas suivre le rythme et John Byrne travaille très vite. Qu’on se rende compte que pour septembre 1977 le dessinateur canadien livre, outre l’épisode 108 de X-Men, des épisodes pour Power Man (#48), l’Araignée (Marvel Team-Up #64) et les Avengers (#166) ! Il a par ailleurs l’habitude de travailler avec Claremont puisqu’il met en dessin ses scénarios pour Iron Fist depuis l’été 1975 et pour Marvel Team-Up depuis mai 1977. Sur X-Men, leur collaboration dure jusque janvier 1981, soit le temps de 36 numéros, le titre devenant mensuel à compter de mai 1978. Le départ de John Byrne est attribué par Sean Howe à l’agacement croissant de Byrne face au développement des personnages de Claremont. C’est le retour de Cockrum, mais, il n’arrive pas seul et Claremont reste au scénario jusque le numéro 280 en 1991. Il livre même les scénarios des trois Annuals présents dans les quatre volumes.

Or, le succès repose aussi sur ses scénarios. Les aventures de cette période figurent au palmarès des ventes et au rayon des classiques du genre. Si le récit principal - la saga du Phénix noir - surprend par sa longueur puisqu’il couvre presque toute l’année 1980 et constitue un événement fondamental dans la mythologie marvel expliquant ses nombreuses rééditions depuis quelques années, d’autres aventures plus courtes n’ont pas moins participé à la dynamique de l’ensemble et ont aussi apporté leurs pierres à l’univers Marvel. Outre le diptyque Futur antérieur qui fournira la base du film X-Men Days of Future Past en 2014 et arrive en toute fin de la collaboration (fin 1980) alors que le titre a été rebaptisé Uncanny X-Men, il faut évoquer la confrontation avec Protéus, le fils mutant de Moira McTaggert qui prend possession des corps et peut altérer la réalité. La manière dont est construit l’ensemble du récit est caractéristique du travail de Claremont : la claustration de Protéus commence à faillir à cause de Magnéto dans X-Men #104 (en janvier 1977), puis l’intrusion de Angus McWrither, un marin qui a un contentieux avec les X-Men depuis le même épisode, achève de libérer le monstre (X-Men #119) en... janvier 1979. Les X-Men l’affrontent pendant quatre épisodes (du #125 au #128) de juin à novembre 1979. Les prolégomènes ont été posés pas moins de deux ans auparavant ! S’agit-il d’un plan prévu ou d’idées qui ont fini par prendre forme ?

Le lien qui unit Moira au mutant X est aussi révélateur des centres d’intérêt de Claremont. Il privilégie les liens psychologiques entre les personnages, d’où cette propension à l’introspection déjà évoquée, qui n’est pas sans avoir agacé John Byrne [5], mais qui offre bien plus de profondeur. Au fil des histoires, on en apprend un peu plus sur les personnages, non sans qu’une part de mystère ne perdure. Ororo - Tornade - se voit dotée d’un passé de voleuse et d’un premier contact dans son enfance avec le professeur X (X-Men #117, septembre 1978) et dans l’épisode suivant Logan parle japonais ! Chris Claremont doit être un sentimental, car ses histoires sont truffées de relations amoureuses. Au centre repose bien sûr l’amour entre Jean Grey et Scott Summer, mais peuvent être aussi évoqués les sentiments de Logan pour Jean puis pour Mariko, la relation entre Diablo et sa petite amie Amanda, au coeur de l’intrigue de l’Annual de 1980, les sentiments de Kitty Pryde pour Colossus, l’amour fraternel pour ce dernier pour sa soeur Ilyana. Chris Claremont joue toute la partition allant de la passion au deuil : ne fait-il pas croire Cyclope à la mort de Jean de l’épisode 114 (août 1978) à l’épisode 125 (juin 1979) ? Alors que souvent les adversaires s’attaquent directement aux super-héros, Arcade kidnappe des proches des X-Men pour les contraindre à jouer à ses jeux.

Remarquons au passage qu’au travers des aventures, les adversaires des X-Men seront puisés aussi bien dans leur passé (les Sentinelles, Magnéto, Mesméro) que dans des créations plus proches. Ainsi Arcade, le milliardaire assassin quelque peu irrévérencieux, est une création de Claremont et Byrne pour un épisode de Marvel Team-Up (#66 en décembre 1977) que les auteurs rentabilisent avec deux fameux épisodes dans lesquels Arcade a été engagé pour tuer les X-Men (#123 et #124 en mai-juin 1979), puis il apparaît à nouveau de mars à mai 1981 avec Fatalis, un personnage plutôt habitué des Fantastiques. Cependant, au rang des créations, il faut faire une place à part au Club des Damnés.

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Emma Peel dans le 21e épisode de la quatrième saison de Chapeau melon et bottes de cuir, diffusé en février 1966.
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Jean Grey en reine noire du Club des Damnés, dessinée par John Byrne, pour l’épisode 131 de mars 1980.

John Byrne reconnaît volontiers [6] que ce club de la haute société dont le cercle intérieur, formé de mutants, qui aspire à dominer, leur a été inspiré par un épisode de 1966 de Chapeau melon et bottes de cuir. John Byrne a trouvé cocasse d’affubler le Cerveau du nom et des traits de l’acteur Jason Wyngarde qui joue dans l’épisode. La tenue dont il déshabille (sic) Jean Grey est directement inspirée de celle portée par Emma Peel. Toujours est-il que le Club s’affranchit des codes traditionnels du groupe de super-vilains : il appartient à l’establishment, à la différence de criminels notoires, du crime organisé ou de groupes de mutants au ban de la société. Dans la cosmologie propre aux X-Men, il remplace la Confrérie des Mauvais Mutants, appelée à revenir dans Futur antérieur et Magnéto comme ennemis principaux.

Parmi les adversaires encore faut-il faire le distingo entre les méchants et les autres. Ainsi Wolverine est-il la cible des autorités canadiennes qui veulent récupérer leur créature. Après une première tentative dans X-Men #109 en février 1978, a lieu une seconde dans X-Men #120 et #121 en février-mars 1979. Pour l’occasion, Chris Claremont et John Byrne, qui, faut-il le rappeler, sont tous les deux d’origine britannique, le deuxième étant naturalisé canadien, créent la Division Alpha, une équipe de super-héros canadienne... et la dissolvent à l’issue de l’épisode 140 (octobre 1980), conclusion d’un diptyque dans lequel Diablo et Wolverine prêtent main forte à la Division contre le Wendigo [7].

En novembre 1979 apparaît pour la première fois Katherine Pryde, une jeune mutante dotée du pouvoir de traverser la matière et recrutée par le professeur Xavier et qui va devenir un personnage de premier plan pour les X-Men, les Nouveaux Mutants et Excalibur. En outre, dans le numéro suivant (#130, décembre 1979), Claremont et Byrne sont les premiers à mettre en scène Dazzler créée deux ans plus tôt pour un projet cinématographique qui n’a jamais vu le jour.

Impossible de terminer sans évoquer les trois Annuals [8], contenus dans les volumes. A part le Giant-Size de 1975 ayant renouvelé le titre, les X-Men n’avaient pas connu de grand format depuis 1970. Scénarisés par Chris Claremont, ils sont l’oeuvre de quatre dessinateurs différents, mais celui qui tire le mieux son épingle du jeu est à mon sens George Pérez qui a dessiné Foudre cosmique (1979), une remarque que je m’étais déjà faite en lisant les Avengers de la même époque et sur lesquels Byrne et lui ont travaillé. Pour deux histoires sur les trois, les X-Men sont amenés à voler au secours d’Arkon, le souverain d’un monde lointain, déjà rencontré par les Avengers (Avengers #75, février 1970). Encore dans le deuxième cas croisent-ils les Quatre Fantastiques, ce qui n’est pas étonnant car ce genre de publication servaient souvent à de tels cross-overs. Le plus intéressant est à mon sens le numéro 4 qui, tout en figurant les autres X-Men (ainsi que le docteur Strange), tourne entièrement autour de Diablo en proie à la vindicte de sa mère adoptive. L’intrigue souligne ainsi l’importance du rôle joué par les vies personnelles des héros, contribuant ainsi à renouveler le genre et à encourager le lectorat en donnant de la continuité aux épisodes en en faisant un feuilleton.

Titres Revues [9] Dessinateurs Scénaristes
Péril en la demeure X-Men #103, novembre 1976 Dave Cockrum Chris Claremont
On l’appelle... Magnéto X-Men #104, janvier 1977
Phénix se déchaîne ! X-Men #105, mars 1977
Le Voile noir du passé X-Men #106, mai 1977 Dave Cockrum & Bob Brown Chris Claremont & Bill Mantlo
Là où aucun X-Man n’est allé ! X-Men #107, juillet 1977 Dave Cockrum Chris Claremont
La Fin du monde ! X-Men #108, septembre 1977 John Byrne
Enfin de retour ! X-Men #109, novembre 1977
Danger X ! X-Men #110, janvier 1978 Dave Cockrum & Tony DeZuniga
Manipulations X-Men #111, mars 1978 John Byrne
Magnéto triomphant ! X-Men #112, mai 1978
Epreuve de force ! X-Men #113, juin 1978
Désolation X-Men #114, juillet 1978 Chris Claremont & John Byrne
Visions de mort ! X-Men #115, août 1978 John Byrne Chris Claremont
Au secours de la Terre sauvage ! X-Men #116, septembre 1978 Chris Claremont & John Byrne
Guerre psi ! X-Men #117, octobre 1978
Le Japon naufragé X-Men #118, novembre 1978
Par une veille de Noël... X-Men #119, décembre 1978 John Byrne Chris Claremont
On recherche Wolverine ! Mort ou vif ! X-Men #120, janvier 1979 John Byrne & Chris Claremont
Panique au Stampede Park ! X-Men #121, février 1979
Dans un pays d’enfance retrouvé en larmes... X-Men #122, mars 1979
Vous savez la meilleure ?... Vous allez tous clamser ! X-Men #123, avril 1979
Je ris, surtout quand tu as mal ! X-Men #124, mai 1979
Terreur sur l’île de Muir X-Men #125, juin 1979 John Byrne Chris Claremont
Combien plus aigu que la dent du serpent... X-Men #126, juillet 1979
Un parfum de haine ! X-Men #127, août 1979 John Byrne & Chris Claremont
Des larmes au sourire X-Men #128, septembre 1979
Foudre cosmique X-Men Annual #2, 1979 George Pérez Chris Claremont
Pitié pour nos faiblesses... X-Men #129, octobre 1979 John Byrne & Chris Claremont
Dazzler X-Men #130, novembre 1979
Sauve-qui-peut ! X-Men #131, décembre 1979
On les nomme les Damnés X-Men #132, janvier 1980
Wolverine seul ! X-Men #133, février 1980
Trop tard, les héros ! X-Men #134, mars 1980
Le Phénix noir X-Men #135, avril 1980
Fille des ténèbres et des étoiles ! X-Men #136, mai 1980
Le Destin du phénix ! X-Men #137, juin 1980
Elégie X-Men #138, juillet 1980
Diablo aux Enfers X-Men Annual #3, 1980 John Romita Jr & Bob McLeod Chris Claremont
Qu’est-ce qui passe ici si tard... ? X-Men #139, août 1980 Chris Claremont & John Byrne (synopsis)
Fureur ! X-Men #140, septembre 1980
Où sont les futurs d’antan Uncanny X-Men #141, octobre 1980
Le Pont de la rivière temps Uncanny X-Men #142, novembre 1980
Démon Uncanny X-Men #143, décembre 1980
Par-delà la mort... Uncanny X-Men #144, janvier 1981 Brent Anderson Chris Claremont
Kidnapping ! Uncanny X-Men #145, février 1981 Dave Cockrum & Josef Rubinstein
Murderworld Uncanny X-Men #146, mars 1981
Front d’orages ! Uncanny X-Men #147, avril 1981
Pleurez, mutants ! Uncanny X-Men #148, mai 1981
Et les morts enseveliront les vivants... Uncanny X-Men #150, juin 1981
Moi, Magnéto... Uncanny X-Men #151, juillet 1981 Dave Cockrum, Josef Rubinstein & Bob Wiacek
X-Men moins une ! Uncanny X-Men #152, août 1981 Jim Sherman, Bob McLeod & Josef Rubinstein
Le Gambit des damnés Uncanny X-Men #153, septembre 1981 Bob McLeod
Alerte aux Badoons ! Uncanny X-Men Annual #4, 1981 Brent Anderson

[1Depuis 1970, les épisodes publiés sous ce titre étaient en fait des réimpressions de publications antérieures à 1968. En avril 1975, le premier Giant-Size X-Men fonde la nouvelle forme de l’équipe sur un scénario de Len Wein et des dessins de Dave Cockrum.

[2...et comme Jim Shooter tente de le réaffirmer au début des années 80. Cf. Sean Howe, Marvel The Untold Story, 2013, p.239 de l’édition epub.

[3Petit clin d’oeil au récit norrois

[4Sean Howe,op. cit.p.200

[5idem, p.211-212

[7Créature issue de la mythologie algonquienne. A noter que la Division renaîtra de ses cendres en 1983 avec sa propre série... sous l’entière direction de John Byrne !

[8numérotés de 2 à 4 par l’éditeurs ils portent en fait les numéros 3, 4 et 5

[9La date est celle de publication et pas celle figurant sur la couverture, car, dans le monde des comics, celle-ci correspond à la date à laquelle les vendeurs retirent la publication de la vente. Paradoxalement, les éditeurs d’intégrale rassemblent les ouvrages en s’appuyant sur la date de couverture

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