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BIENVENUE A GATTACA

Oui, bienvenue à Cattaga, Tagaca, Attaca... zut ! GATTACA !

samedi 30 juillet 2005, par Amanda

Andrew NICCOL (1964-)

Etats-Unis, 1998, Gattaca

Ethan Hawke, Uma Thurman, Jude Law & Gore Vidal

L’histoire : Dans un futur proche, l’être humain n’est plus défini que par ses caractéristiques génétiques qui sont devenues la nouvelle aune des classes sociales. Certains, les « valides », aux caractéristiques parfaites, sont promis aux plus grandes carrières, tandis que les autres, les « in-valides », sont cantonnés aux tâches les moins gratifiantes. « In-valide » promis à une mort prématurée à cause d’un cœur malade, Vincent prend l’identité de Jerome, « valide » devenu invalide (au propre cette fois !) à la suite d’un accident voiture pour réaliser son rêve et devenir astronaute à Gattaca, centre de recherches spatiales pour l’élite génétique.

Bienvenue à Gattaca est le premier long métrage du néo-zélandais Andrew Niccol qui en signe la réalisation et le scénario. Il se situe dans la lignée d’oeuvres comme 1984 de G. Orwell ou surtout Le meilleur des mondes d’A. Huxley où il était déjà question de procréation par génétique assistée... Niccol situe lui-même son histoire dans un « futur pas trop lointain » (« the not-too distant future ») dès le début du film en incrustant cette phrase à l’image, comme un sous-titre. Le nom qu’il a choisi de donner au paradigme de notre avenir proche est formé avec les initiales des quatre composants de l’ADN (G pour guanine, A pour adénine, T pour thymine et C pour cytosine). Monde uniformisé (au propre également à en juger par les costumes sombres que portent tous ses heureux élus) et glacé à l’excès (l’intérieur des lieux est d’une couleur bleu glacial), Gattaca est le résultat de l’eugénisme tant craint et ici appliqué « pour le bien de l’humanité ». Monde lisse et sans relief également où Vincent / Jerome passe son temps à effacer toute trace de son existence corporelle et où la propreté (ici compulsive) est dite proche de la sainteté. La purification n’est plus tant ethnique que génétique (cf. l’équipe d’astronautes multi-ethnique qui part sur Titan).

Pour son premier essai, Andrew Niccol benéficie d’abord pour la photographie du travail de Slawomir Idziak, directeur de la photo polonais à qui l’on doit plusieurs collaborations avec le regretté Kieslowski, notamment sur la trilogie Bleu, Blanc, Rouge. Il n’est donc pas surprenant que Bienvenue à Gattaca soit une réussite sur le plan esthétique. Pour recréer le passé de Vincent il utilise des filtres ou plus simplement des projecteurs aux tons jaunes et verts créant ainsi une ambiance qui ressemble fort à nos années cinquante alors que ce passé est quand même censé être notre futur, même proche. Niccol et Idziak brouillent les pistes et mêlent habilement le passé, le présent et le futur en utilisant des couleurs et des lumières inhabituelles et qui ont pourtant une qualité de déjà-vu. Niccol n’a pas chargé son film d’effets spéciaux, peut-être par choix, peut-être aussi par manque de moyens. On peut en prendre pour preuve les voitures du film, électriques (ce que notre époque connaît déjà même si l’utilisation en est encore restreinte) mais à la carrosserie très années cinquante ou encore l’architecture des bâtiments, tout aussi « fifties » (l’appartement d’Irene en est un exemple par excellence avec ses énormes baies vitrées donnant sur l’océan, typiques de certains architectes californiens de l’époque) ! L’architecture et les décors du film font grand usage du cercle ou de la spirale (au hasard le tunnel par lequel Vincent rejoint la fusée qui va l’emmener sur Titan à la fin du film, l’escalier dans l’appartement de Jerome, ou les plafonds de Gattaca...), probablement symboles d’un monde trop lisse et trop « parfait » qui, fermé sur lui-même, tourne à vide. Il y a de l’absurde dans le monde soi-disant parfait de Gattaca où les prédisposés génétiques ne savent pas toujours exploiter leur prétendu potentiel (comme le « vrai » Jerome Morrow, éternel deuxième) et où il y a des accès meurtriers chez qui n’a pas un gène de violence en lui...(le directeur Jober). Ce détour par l’absurde nous vaut une référence évidente au Procès d’Orson Welles adapté de Kafka avec l’immense salle aux bureaux alignés, réplique futuriste et glacée de celle où travaillait K... Nul doute que Niccol a travaillé sur le détail de l’image et aussi des dialogues. Son film est un hymne évident à l’imperfection, c’est-à-dire ici à une humanité humaine et faillible, capable de forces comme de faiblesses et qui ne dépend pas d’une carte d’identité génétique (cf. la dernière phrase du film : « Il n’y a pas de gène pour l’esprit humain »). Lorsque Vincent dit au médecin qui va faire de lui Jerome à propos d’une vieille édition d’un manuel de voyages interstellaires qu’il le connaît « par cœur » on ne peut qu’y voir une allusion ambivalente à ce cœur malade qui est à la fois ce qui devait l’empêcher et ce qui va lui permettre de partir dans l’espace. Il y aussi un peu d’onomastique chez Niccol. Vincent s’appelle Freeman (l’homme libre, du déterminisme génétique par exemple) et Jerome s’appelle Morrow ce qui peut vouloir dire en anglais le « matin » (référence à l’aube qu’Irene veut montrer à Vincent), ou le « lendemain » (pour un personnage pour qui chaque jour est compté).

Cependant le scénario souffre parfois de certaines faiblesses. Pourquoi est-il nécessaire à Vincent d’être opéré pour gagner 5 cm alors que le médecin usurpateur lui dit lui-même peu avant que plus personne ne prête attention à l’aspect physique et que sa ressemblance avec Jerome est bien suffisante ? Ou comment croire que l’arme qui a servi à démolir le crâne du directeur de mission est un vulgaire clavier d’ordinateur, objet tout de même assez peu contondant ?... Peut-être faut-il voir ici une touche d’humour, ou peut-être Niccol veut-il démontrer que le symbole du progrès est aussi celui d’une régression vers la barbarie en l’homme... Bref, à trop vouloir servir son propos, Niccol devient parfois un peu trop didactique. Cela dit, n’oublions pas que Bienvenue à Gattaca est un premier film dont la fin n’est pas complètement prévisible (je n’en dirai pas plus...). Film riche visuellement, servi par de bons acteurs (Jude Law, valeur montante du cinéma anglais et qui a déjà à son actif un panel de rôles très variés) et une musique composée par Michael Nyman lui-même qui parvient, d’après Niccol, à exprimer à la fois « le rêve et la douleur des personnages », il sert intelligemment le cinéma et la science-fiction et mérite sans hésiter qu’on lui fasse une visite.

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