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Omale, l’intégrale t.2

samedi 30 janvier 2016, par Maestro

Laurent GENEFORT (1968-)

France, 2004-2012

Ce deuxième tome du cycle d’Omale comprend un seul roman, La Muraille Sainte d’Omale, complété par sept nouvelles et un lexique. Le seul regret est donc que le dernier roman à ce jour du cycle, Les Vaisseaux d’Omale, n’ait pas été inclus dans cette édition presque complète. La Muraille Sainte d’Omale, qui se déroule un bon siècle après la signature de la paix entre les trois rehs, est le récit d’une expédition particulièrement ambitieuse, dirigée par un Chile, Haka, et qui comprend principalement des humains, parmi lesquels le photographe Forstine. Son objectif est de pénétrer au cœur de l’Aire humaine, se rendre jusqu’au Landor, cette terre sacrée et première ceinte par la Muraille, une des merveilles de ce monde clos. En effet, depuis des années, des masses de réfugiés en sont originaires et investissent peu à peu les Bordures, poussées par une menace inconnue, appelée la Gueule de l’Apocalypse. D’abord véhiculée par nef chile, l’expédition est très vite contrainte de se déplacer au sol, avec toutes les difficultés que suppose la présence de Chiles dans des terres demeurées profondément attachées à la religion escopalienne et à ses préjugés à l’égard des autres rehs… Une fois au Landor, les explorateurs vont être épaulés par un chef de guerre charismatique, maître de l’armée des damnés, un libre penseur désireux d’en savoir plus sur la nature profonde d’Omale. Car c’est encore cette problématique qui est au cœur de La Muraille Sainte d’Omale, avec quelques révélations sur la nature du carb, cette matière qui compose la structure fondatrice d’Omale, ainsi que sur les origines du peuplement humain (superbe image de cette nef de pierre proprement gigantesque, destinée à survivre à l’histoire et à ses avanies). Pour la description de ces terres quelque peu archaïques, Laurent Genefort semble s’être inspiré des ambiances qui étaient celles de l’Europe du bas Moyen-Âge : épidémies, guerres, religion fanatisée et cadavres sont légions, au point de nous offrir des visions effrayantes d’horreur (cette ville où le suicide fut général, démonstration claire du danger de la religion exclusive). Surtout, c’est la science qui est une fois encore défendue -avec un personnage qui est un clin d’œil à Roland Lehoucq, collaborateur confirmé de la revue Bifrost-, elle qui est capable de pousser les êtres jusqu’à leurs limites, susceptible de permettre de mieux comprendre le monde d’Omale, elle enfin qui facilite le dialogue et l’entente entre Chiles et humains, au point de générer une véritable amitié pour certains d’entre eux. Une belle leçon de vie face au racisme, à l’intolérance et au créationnisme.

La seconde partie de ce deuxième tome, intitulée « Les Omaliens » (un clin d’œil au recueil Les Martiens de Kim Stanley Robinson ?), se compose de sept nouvelles, publiées depuis 1992 pour la plus ancienne à 2012 pour les deux inédites. Elles sont classées par ordre chronologique de l’histoire d’Omale, et s’avèrent souvent d’un très grand intérêt. Ainsi, avec « Aparanta », c’est à l’arrivée des vaisseaux humains, chiles et hodgqins au cœur d’Omale que l’on assiste, avec une légère originalité narrative, puisqu’on découvre successivement les événements à travers le regard de trois personnages, un sectateur du Temple de la Multiplication des Âmes (religion que l’on retrouve dans Lum’en), le capitaine d’un vaisseau humain et le leader improvisé d’une des expéditions humaines visant à débuter la colonisation de la Grand’Aire. «  Un roseau contre le vent », qui se place quelques siècles plus tard, alors que l’arrivée sur Omale commence à se transformer en mythe, décline la problématique chère à Laurent Genefort, celle de la raison contre la foi. Et si le dénouement s’avère globalement prévisible, on ne peut qu’éprouver une sincère empathie pour Roland Varesco, personnage évoqué dans La Muraille Sainte d’Omale et qui se lance dans une expédition hors de la Grand’Aire, afin d’y découvrir la preuve d’une arrivée sur Omale par vaisseau spatial… « La septième merveille d’Omale » est une illustration des difficiles relations entre rehs chile et humaine, à travers le cas d’un barrage édifié par les Chiles à l’aide d’une main d’œuvre humaine, et l’éternel affrontement de la vengeance guerrière ou de la coopération au risque de la collaboration. Sympathique, tout comme « L’affaire du Rochile », une enquête menée par un ancien combattant humain sur une série de meurtres perpétrés dans sa région natale, qui permet d’évoquer les traumatismes causés par la guerre et l’impossibilité, pour ceux qui l’ont faite, d’un retour à la normale. « Patchwork » semble de prime abord plus ambitieux, avec son personnage d’hodgqin médecin légiste et son énigme autour d’humains s’étant fait implanter des éléments d’organismes chiles, mais l’histoire se termine de manière abrupte, sans que tous les fils en aient été tirés. « Croisées », pour sa part, n’est pas une vraie nouvelle, mais un collage de documents divers, recette de cuisine, conte ou fable, partie de fejij ou réflexion philosophique. En dehors des deux premières nouvelles, intéressantes par ce qu’elles apportent de précisions sur le passé lointain de la Grand’Aire, c’est « Arbitrage » qui apparaît comme le texte le plus brillant. Voilà en effet une nouvelle tout simplement passionnante, qui nous dévoile des éléments supplémentaires de la vie des trois rehs et déploie une véritable enquête autour d’une partie de fejij entre deux militaires, débutée soixante ans auparavant… Non seulement la mentalité chile nous est ainsi mieux connue, mais la réflexion menée par ce magistrat judiciaire humain est digne de Sherlock Holmes.

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