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Lum’en
samedi 15 août 2015, par
Laurent GENEFORT (1968-)
France, 2015
Le Belial’, 320 p.
Le nouveau roman de Laurent Genefort s’éloigne de la Terre de Points chauds pour mieux revenir dans son univers de space opéra dont il est l’un des maîtres français actuels. Lum’en évoque même les fix up d’antan, étant constitué de six nouvelles, reliées par de courts textes reprenant le titre du livre. Deux de ces nouvelles avaient d’ailleurs été précédemment publiées, l’une dans Escales 2001, l’autre dans Destination Univers ; l’univers de fond est par ailleurs un terrain de jeu dont Genefort est coutumier, un des personnages ayant par exemple déjà été utilisés dans Une Porte sur l’éther. Le sujet de l’ensemble est aussi simple que passionnant : conter l’évolution d’une colonie humaine, de son installation à son extinction.
La planète dont il est question, Garance, est d’abord peuplée par quelques pionniers, et un sectateur de l’Eglise de la dispersion des âmes, véritable gourou désireux de générer par FIV une nouvelle souche de l’humanité (« Site Alpha »). C’est d’ailleurs par un de ses disciples, ayant réussi à se libérer de son emprise, que les pionniers découvrent que Garance présente un intérêt économique, localisé non dans son sous-sol, mais dans sa faune : les caliciers, sortes d’arbres-coraux, végétation dominante de la planète, abritent en effet des métaux exploitables. Dans « Colonie légère », qui se déroule alors que le principal personnage de la précédente nouvelle est devenu un vieillard, les premières divisions sérieuses apparaissent au sein de la colonie, puisqu’émergent des autonomistes et surtout les Véritables, qui n’ont pas hésité à remanier leur ADN afin de s’intégrer à l’écosystème de Garance. La dissidence vient ensuite des artistes, désireux de secouer le conformisme ambiant, mais qui se retrouvent finalement déportés (« Colonie lourde »). Mais le point culminant de ces oppositions grandissantes a lieu à la fin de « La clairière des dieux bruyants », centré sur les Pilas, la forme de vie autochtone la plus intelligente, lorsque pour les préserver, un groupuscule religieux détruit le magnétolanceur, seul moyen d’expédier dans l’espace les matières premières recueillies sur Garance. Dès lors, la colonie ne cesse de décliner et de s’entredéchirer, au point de pousser la DemeTer, l’entreprise propriétaire de l’exploitation de Garance, à envoyer un médiateur afin d’apaiser les tensions et de trouver une solution profitable à tous (« Déclinopole »). Seul de rares marginaux feront le choix de demeurer sur Garance, en un destin bridé (« Zone O »).
Lum’en, c’est d’abord un plaisir de lecture et de dépaysement, tant Laurent Genefort réussit à nous décrire un monde exotique, sans être totalement autre, un écosystème parfaitement réaliste et convaincant sur le plan scientifique. Mais Lum’en, c’est aussi, au-delà de la critique des fanatismes religieux et des problèmes générés par la colonisation, une parabole sur notre monde actuel. Les humains qui s’installent sur Garance sont en effet obnubilés par le développement économique -ils sont d’ailleurs sous la tutelle des multimondiales, équivalent spatial des transnationales-, au point de s’isoler face à toutes les tentatives de développement autogéré ou d’empathie vis-à-vis de l’écosystème de Garance. La destruction aveugle de cette nature conduit alors au déclin, reflet direct de la Terre en proie à un réchauffement climatique loin de décroître… D’autant qu’ici, en lieu et place de Gaïa, se trouve le Lum’en du titre, une entité extra-terrestre échouant à entrer en contact avec l’humanité, et qui finira par épauler les Pilas dans leur développement civilisationnel. Sans être un chef d’œuvre, car relativement linéaire voire scolaire dans son déroulement, sa narration, Lum’en est une variation réussie sur le thème de la colonisation spatiale.