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L’Empire caché (La Saga des sept soleils, 1)
dimanche 9 octobre 2016, par
Kevin J. ANDERSON (1962-)
Etats-Unis, 2002
Kevin J. Anderson est principalement connu en France pour ses nombreux prolongements du cycle de Dune de Frank Herbert, écrits en collaboration avec Brian Herbert, le fils de ce dernier [1]. Si les volumes consacrés aux origines (la trilogie de Dune, la genèse) étaient certainement les plus intéressants, bon nombre d’entre eux s’avérèrent tout de même être des entreprises avant tout commerciales, visant à élargir le filon de Dune, rendu d’ailleurs plus accessible par une écriture simplifiée.
La Saga des Sept Soleils est du même acabit, un space opera très abordable, à l’image de nombre de grosses productions hollywoodiennes, qui reprend tous les éléments traditionnels du genre, et retrouve même ce qui avait motivé au départ la création du qualificatif de space opera : les soap operas, puisque les nombreux personnages entretiennent des relations amoureuses à géométrie variable, ponctuées d’affaires de familles. L’action se déroule au XXVe siècle, dans une partie de la Voie lactée. L’humanité, en essaimant par le biais d’immenses vaisseaux-générations, a été découverte et épaulée par un empire extra-terrestre, l’empire ildiran, qui lui a transmis le secret de la propulsion rapide dans l’espace. Dès lors, les humains ont pu s’étendre sous la houlette de la Hanse, regroupement d’entreprises commerciales symbolisé par la figure fantoche et consensuelle d’un roi d’opérette. Tandis que les Ildirans sont sur le déclin, prisonniers d’un mode de vie les empêchant de partir à l’aventure isolés (tous sont reliés par télépathie autour de leur Mage imperator) et d’un conservatisme dangereux, la Hanse se heurte dans sa volonté d’expansion et de contrôle total à deux rameaux indépendants de Terriens d’origine : les Vagabonds, des aventuriers ayant soif de liberté et qui cherchent à s’étendre dans des zones dont personne ne veut, et les habitants de Theroc, planète occupée par les Arbremondes, dont sont originaires les prêtres verts, capable de communiquer instantanément entre eux à travers les gouffres de l’espace grâce aux surgeons végétaux de leur planète. Le jour où la Hanse utilise un élément de la technologie klikiss, race extra-terrestre disparue et qui a laissé certains vestiges derrière elle, afin de transformer une géante gazeuse en étoile, elle met le feu aux poudres. Des vaisseaux d’origine inconnue jaillissent en effet du cœur de la nouvelle étoile, et commencent peu de temps après à agresser des territoires humains… Il s’agit en fait d’une espèce extra-terrestre inconnue, les hydrogues, qui, à la suite de ce génocide involontaire, déclarent la guerre à l’humanité et à ses alliés.
La narration s’effectue à travers une vaste galerie de personnages, auxquels un chapitre est régulièrement consacré : cela va du président de la Hanse, Basil Wenceslas, au souverain Frederick, en passant par les amiraux Adar Kori’nh (pour l’empire ildiran) et Layan (pour les Forces terriennes de défense - FTD), les Vagabonds Jess (aux initiatives dangereuses), Cesca (dirigeante de son peuple) et Tessa (engagée volontaire dans les FTD), les Prêtresses Vertes Otama et Nira, envoyées au cœur de l’empire ildiran, ou le couple de xéno-archéologues Colicos. On reconnaît dans ce cadre à la fois des reflets de la réalité contemporaine et des stéréotypes de la science-fiction : une guerre galactique, une espèce extra-terrestre disparue (pensons aux romans de Jack MacDewitt), des robots plus ou moins fidèles aux lois d’Asimov (un DD s’opposant aux robots kikliss, laissés sans mémoire), un empereur-dieu ildiran qui rappellera des souvenirs aux amateurs d’Herbert, une Hanse qui n’est pas sans évoquer Dune et le capitalisme néo-libéral, les Vagabonds incarnant pour leur part des libertariens à la sauce californienne et Theroc des écologistes… Quelques belles visions égaillent la lecture, ainsi de cette colonie vagabonde installée près d’un océan, sous une couche de glace, ou des sept soleils de Mijista, capitale ildirane (on pense là aussi à Asimov, celui de Quand les ténèbres viendront), et plus généralement, on se laisse peu à peu prendre au rythme de cette histoire du futur, les enjeux gagnant en intensité dramatique, jusqu’à l’ouverture d’une guerre inexpiable et totale, derrière laquelle se dissimulent des secrets au dévoilement incomplet.
N’accablons donc pas Kevin J. Anderson : la lecture est agréable, le divertissement à la hauteur des attentes -limitées- que l’on peut placer en lui, semblable en cela à certains programmes télévisuels ou cinématographiques que l’on regarde avant tout pour se distraire sans prise de tête excessive… Il convient toutefois de relever une idée plus originale, véritable mise en abyme du roman : la Saga des Sept Soleils est en effet dans la série le nom d’un récit épique ildiran, le plus long jamais composé, relatant l’ensemble des événements survenus à la connaissance de cette espèce, et que se transmettent des conteurs spécialisés.
[1] Pour les amateurs éclairés de musique, Kevin J. Anderson est également à l’origine d’un projet, baptisé Roswell Six, mené avec le label étatsunien Progrock Records, et consistant à adapter un de ses cycles en musique, sous la forme d’albums dirigés par des artistes différents et sollicitant un casting de luxe. Deux disques sont parus, Terra Incognita. Beyond The Horizon (2009), piloté par Erik Norlander, et Terra Incognita. Lines In The Sand (2010), par Henning Pauly.