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Les Epouvantails
dimanche 8 octobre 2017, par
Philippe MORIN (1977-)
France, 2017
Black Coat Press, collection Rivière blanche, Série noire, 318 pages.
Philippe Morin avait précédemment publié chez le même éditeur Paris Zombies, un récit de fin du monde délicieusement cruel, au parfum d’authenticité musqué. Cette fois, sa nouvelle publication combine un court roman, Les Epouvantails, et sept nouvelles. Deux de celles-ci sont clairement sous influence : « Au bout du chemin » et son personnage de vieillard, seul survivant de l’humanité, cherchant à retrouver les terres de sa jeunesse, possède une ambiance ténébreuse proche de La Route, tandis que « Comme des amoureux » confronte des morts-vivants et des chasseurs, dans un face à face légèrement ambigu, évoquant l’ouverture du Vampires de John Carpenter.
De manière générale, l’univers littéraire de Philipe Morin est sombre, déprimant. Dans « Vous avez dit blizzard ? », il signe un récit sans doute un peu court sur le thème de l’hiver du monde, où l’héritage du monde passé part en fumée. « Plate-forme 83 » est un autre texte de fin du monde, mais cette fois-ci sous une chaleur accablante, vue par le prisme du personnel d’une station de forage autrefois dévolue à la récupération de l’eau douce enfouie sous la Méditerranée ; à noter que cette nouvelle fut candidate à l’anthologie de Serge Lehman, Retours sur l’horizon. « Nuit soudaine » est à mon sens plus personnel, plus original, l’intrusion d’un fantastique mythologique lors de la guerre d’Algérie constituant une piste susceptible de traitements plus développés, tout en étant ici davantage axé sur l’ambiance et la terreur profonde. « Réflexe » adopte un parti pris plus réaliste, ambiance de polar et fond de tragédie intime. Le lieutenant Vanestre est un homme dévasté depuis le viol et l’assassinat de sa petite fille, et ses démons vont resurgir lors d’une opération de routine ; ou comment Philippe Morin nous interroge, à grands coups dans la face, sur la difficulté à ne pas se faire justice soi-même… Tout aussi réaliste, « Derrière nous » retrace l’itinéraire de meurtriers ordinaires, dans une démarche pleine d’empathie, d’interrogations sur les causes du drame ; l’intrigue connaît cependant une inflexion nette à un moment donné, basculant dans l’univers de la pègre, pour un rendu peut-être un peu trop excessif.
Les Epouvantails, quant à lui, est un roman à l’ancrage très réaliste. Une famille ordinaire, au niveau de vie aisée, Marc, Anne et leurs deux enfants, Clarisse et Louis, partent en vacances pour le bord de mer. En chemin, ils se voient contraints de s’enfoncer au cœur de la France profonde afin d’effectuer quelques réparations indispensables sur leur SUV. Mais cette aventure imprévue va progressivement se transformer en cauchemar, lorsque toute la famille est enlevée par deux paysans détraqués. Parallèlement, l’autre ligne narrative suit la vie d’un gendarme local, chargé d’une enquête concernant du vol de matériel agricole… Les deux trames se rejoindront, mais d’une manière franchement inattendue, ce qui constitue un des points forts de l’histoire. Loin de toute dose de fantastique, Les Epouvantails évoque en partie Stephen King, dans son tableau d’une horreur rurale crue et d’un effrayant réalisme. Derrière, on discerne la fracture entre deux Frances, l’une urbaine et moderne, l’autre campagnarde et marginalisée, avec toute la rancœur sociale susceptible de fermenter et d’exploser. Seule la fin, dans les toutes dernières lignes, donne l’impression de vouloir légèrement atténuer l’atrocité de la situation, sans réellement convaincre ni infléchir l’avis général très positif qui ressort de cette lecture.
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