Accueil > TGBSF > E- > Existence
Existence
dimanche 13 août 2017, par
David BRIN (1950-)
Etats-Unis, 2012
Bragelonne, collection Bragelonne SF, 2016, 744 pages.
Est-il besoin de présenter David Brin ? Avec Gregory Benford et Greg Bear, il incarna le renouveau de la science-fiction anglo-saxonne à compter des années 1980, livrant des space opera où la hard science était aux premières loges. Le choix fait par Bragelonne en 2016 est donc à saluer : outre la parution de Terre, roman remontant à 1990, directement au format poche, c’est Existence, ambitieux pavé sorti en 2012, qui s’offre à nous.
Et très vite, le plaisir de lecture est là. L’intrigue prend place dans notre proche avenir, au mitan du XXIe siècle. D’emblée, l’auteur privilégie une anticipation réaliste, crédible, dans laquelle le changement climatique a eu un impact réel, mais encore relativement mesuré, et où les conflits de classe ont été (provisoirement) enrayés grâce au Superaccord, une forme de compromis dual avec les plus riches. Mais davantage que cette sensibilité à une composante potentiellement majeure de notre temps, David Brin convainc par son tableau d’une population connectée, à condition bien sûr qu’elle en ait les moyens. L’Internet est devenu le Lacis, et les objets connectés cohabitent avec des connexions intégrées jusque dans le corps des individus. La réalité virtuelle s’est ainsi approfondie, ajoutant au réel de multiples couches d’interactivité.
La découverte par un éboueur de l’espace d’un artéfact orbitant autour de la Terre, qui permet d’entrer en contact avec des civilisations extra-terrestres, provoque une onde de choc au sein de la population mondiale, d’autant que cet objet ne semble pas être unique… Cette prise de conscience, nous la vivons à travers des destinées particulières : celles de Gerald et Peng Xiang Bin, intermédiaires privilégiés du xéno-contact ; celle de Tor, la cyber-journaliste contrainte malgré elle de vivre au cœur du Lacis ; celle de Hamish Brookeman, également, écrivain et réalisateur à succès, proche collaborateur de Tenskwatawa, le leader du Mouvement du Renoncement. Car dans ce monde d’après-demain, un des grands enjeux de société concerne le progrès scientifique, véritable écho amplifié de débats actuels : faut-il, comme le défendent les faiseurs de dieux, le poursuivre afin de permettre à l’humanité de surmonter sa crise de croissance, ouvrant sur une forme de transcendance, ou faut-il, comme le prône le Mouvement du Renoncement, contrôler les avancées technologiques et en faire un usage raisonnée, quitte à passer pour ce faire par une forme de dictature oligarchique ?
Inscrit de plein pied dans notre époque et ses problématiques, extrêmement riche et parfaitement maîtrisé, Existence constitue également une sorte de préquelle parallèle au cycle le plus célèbre de David Brin, Elevation, justement réédité ces jours-ci en poche par Bragelonne. Il se rapproche également, de par la réponse qu’il propose au célèbre paradoxe de Fermi (pourquoi, si les ET existent, ne se sont-ils pas encore manifestés ?), du Stephen Baxter d’Espace, second volet de la trilogie des Univers multiples, à ceci près que Brin multiplie les révélations, faisant de son roman une véritable matriochka littéraire. Confiant dans l’humanité, dont il décrit le découplage en plusieurs branches –les sapiens, les IA, les néanderthaliens ramenés à la vie et les autistes, sans oublier les animaux à l’intelligence augmentée–, David Brin présente un univers propice à la vie, mais sans illusion aucune, postule que la guerre ou la compétition sont des valeurs partagées, dans une optique évolutionniste relativement classique. Ne reste dès lors qu’une forme d’immortalité illusoire ou un positionnement ouvert à l’autre, une façon de trouver sa place dans le cosmos empreinte de générosité et d’humilité. « Si nous n’avons aucune ambition – aucun rêve – à léguer à nos héritiers, à quoi sert l’intelligence ? » (p. 619)