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4,3,2,1,OPERATION LUNE
dimanche 15 août 2004, par
Primo ZEGLIO
Italie, 1967, 4,3,2,1...Morte
Lang Jeffries, Essy Persson, Pinkas Braun
Première adaptation cinématographique (mais y en a-t-il d’autres ?) de l’interminable série "Perry Rhodan" née en 1961 de l’imagination prolifique des Allemands Clark Darlton et Karl-Herbert Scheer, 4,3,2,1...Opération Lune aurait dû être à la S.F. européenne occidentale avec dix ans de retard ce que des films comme Planète interdite (Fred McLeod Wilcox, 1956) ou, avec beaucoup moins de qualité, La conquête de l’espace (Byron Haskin, 1955) furent pour la S.F. américaine : à savoir des séries B - pour ne pas dire Z - fondatrices d’une culture S.F. Seulement la mayonnaise n’a pas pris mais peut-être est-ce à cause du ketchup.
Une agence spatiale quelconque dirigée par des responsables aux noms anglicisés - gage de prouesses technologiques et de courage viril à l’époque sauf si l’on habite de l’autre côté du rideau de fer - envoie sur la Lune une mission composée de quatre hommes à bord du vaisseau Stardust commandé par le pilote de la NASA Perry Rhodan. Officiellement, il s’agit d’explorer les abords d’un relief lunaire ; en réalité, il s’agit de procéder à l’étude des possibilités d’exploitation de métaux rares et précieux. Secret de polichinelle puisque qu’un caïd de la pègre averti de l’enjeu entend bien rafler la mise et a soudoyé un membre de l’équipe. Rien ne se passe comme prévu pour les Terriens. A l’arrivée sur la Lune, ils entrent en contact avec un couple d’extra-terrestre, Krest et Thora, de la lointaine planète Arkon, civilisation bien plus évoluée que celle de la Terre mais en pleine dégénérescence biologique. Pour sauver Krest et le rendre capable de réparer son vaisseau, Terriens et Arkonites se rendent sur Terre pour consulter un hématologue mais ils leur faudra vaincre les difficultés militaires et maffieuses.
Le problème avec les séries B de S.F. du milieu du siècle dernier ne réside pas dans leur inévitable côté kitsch. Sur ce plan, 4,3,2,1 Opération Lune n’aurait rien à rendre aux films américains des années 40 et 50, sauf que, réalisé en 1967, le film semble dater de 1955 et rien ne semble avoir évolué depuis. On mesure alors l’ampleur de la différence budgétaire entre le film de Primo Zeglio et le 2001, Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick sorti sur les écrans un an après. Ce n’est quand même pas tant ce problème de sous qui gène : le ketchup dans la mayonnaise - comprenez le grain de sable dans la mécanique - c’est le scénario, qui n’a pourtant rien d’indigent ou de malingre avec ses virages à angle droit et sa traîtrise soigneusement gérée. Qu’on en juge : au départ c’est une mission d’exploration qui se transforme - métamorphose classique en S.F. - en premier contact ; seulement le choc culturel n’a pas tellement lieu et l’étrange disparaît du scénario pour laisser place à un film dont l’action se passe entièrement sur Terre. La différence de technologie a beau alimenter l’action, ce n’est plus Perry Rhodan, c’est OSS 117 au grand dam des fans du héros (il paraît qu’il sont nombreux).
Le ridicule s’ajoute dans la psychologie et le jeu exagérement viril des personnages. Outre que leurs physiques américains, Lang Jeffries en tête, contribuent à cet aspect des choses, il y a une orientation volontairement primale des dialogues et des rapports entre les personnages, notamment entre l’Arkonite Thora et le Terrien Rhodan, qui en dépit de son humble civilisation au stade 4, ne s’en laisse pas compter et se dit prêt à descendre plus bas pour en imposer à la demoiselle et de l’embrasser violemment. Il est vrai que Thora a tendance à chercher les Terriens comme le dit le second de Rhodan. Sans doute, y a-t-il eu erreur et les scientifiques de l’expédition ont-ils été remplacés par des gros bras du service action. C’est d’autant plus gênant que le message moral, très européen dans le cadre d’un film qui ne l’est pas moins, quant au bien-fondé du metissage des cultures perd quelque peu de sa beauté pour devenir assez lourd, alors qu’il était déjà sérieusement amoindri par le détournement du scénario.