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Furor
samedi 12 avril 2014, par
Fabien CLAVEL (1978-)
France, 2012
Fabien Clavel est de ces auteurs qui, ayant pris leur temps et fort d’une expérience en littérature jeunesse, atteignent progressivement au rang de valeurs sûres de l’imaginaire français. Il y avait eu, dans le genre de la fantasy historique, Le Châtiment des flèches, au sujet particulièrement original (le royaume de Hongrie autour de l’an mil), et, en civilisation romaine, La Cité de Satan, premier roman paru chez Mnémos, une uchronie dans laquelle l’empereur Julien avait régné plus longuement et triomphé du christianisme.
Cette fois, avec Furor, Fabien Clavel nous invite à la fin du Principat d’Auguste, au cœur d’un des drames de cette fin de règne, l’anéantissement des légions romaines, dirigées par Varus, par des tribus germaines, menées par Arminius, ancien rallié à Rome. La prose, très travaillée, s’articule en deux ensembles parallèles. Il y a d’abord l’intrigue traditionnelle, la succession des actions et péripéties de quatre personnages principaux (chaque chapitre est uniquement consacré à l’un d’entre eux), Longinus, légionnaire rempli de haine pour son supérieur à la cruauté gratuite, Marcus, un centurion expérimenté, intègre et courageux, Caius Pontius, un des officiers supérieurs de Varus, jeune et érudit, ainsi que Flavia, prisonnière germaine devenue prostituée pour le service des armées romaines. L’autre composante du roman, donc, se distingue de la trame centrale par la forme italique et l’absence de ponctuation, et restitue les pensées, réflexions, angoisses et émotions intérieures de chacun des quatre protagonistes.
Soyons clair : Furor est un roman aussi prenant que finement ciselé, profond, tant le cadre qui est le sien, celui de la forêt germanique, est à la fois l’endroit où la romanité s’englue dans les fondrières et celui où l’individu est confronté à sa propre finitude. Fabien Clavel, outre sa dimension assez brillante de styliste, et sa maîtrise des combats, à la dimension charnelle palpable, est parvenu à immerger ses personnages dans l’esprit de l’époque de manière à la fois convaincante et brillante. On apprécie en particulier les références mythologiques et poétiques, d’Ovide à Virgile en passant par l’immortel Lucrèce. Après une brève évocation de l’expédition de Germanicus en terre germaine, nous retournons quelques années en arrière, lorsque Varus tente de quitter la forêt impénétrable de l’au-delà du Rhin. La découverte d’une mystérieuse pyramide et d’une tribu d’humains dégénérés sur leur chemin marque toutefois le début d’une tragédie au dénouement sanglant.
Les quatre survivants du désastre n’auront dès lors de cesse de retrouver cette pyramide afin d’affronter et de vaincre le dieu qui y a trouvé refuge… Sur ce dernier point, toutefois, les silences sont trop nombreux, et on aurait aimé comprendre les raisons de ce court-circuit temporel, qui permet au passage de souligner le danger mortifère d’une source d’énergie contemporaine… C’est bien là le seul point qui empêche Furor de prétendre au statut de chef d’œuvre.