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Les Veilleurs
samedi 20 juin 2015, par
Connie WILLIS (1945-)
Etats-Unis, 2013, The Best of Connie Willis
J’ai lu, coll. "Nouveaux Millénaires", 2015, 539 p.
Aux premiers abords, le lecteur pourrait s’étonner de la publication de ce recueil de neuf nouvelles ou courts romans dont tous sauf deux ont déjà été publiés en français pour la plupart dans les recueils Les Veilleurs du feu pour celle qui joue le rôle d’éponyme pour la deuxième fois ou pour « Une Lettre des Cleary », ou le recueil Aux Confins de l’étrange pour « Même sa Majesté », « Le Dernier des Winnebagos » et « Au Rialto ». Après les succès du diptyque du Blitz, cette initiative a des relents commerciaux.
S’arrêter à cette considération serait faire abstraction de la très bonne qualité de l’ensemble que n’atteste pas seulement le titre original de l’ouvrage - le meilleur de Connie Willis - mais surtout le grand nombre de prix décernés aux récits qu’il contient : pas moins de sept prix Hugo, cinq prix Nebula et quatre prix Locus, sans compter parmi ces derniers celui du meilleur recueil de nouvelles. C’est aussi l’occasion de découvrir ou redécouvrir des textes dont les premières éditions françaises datent un peu et sont difficilement trouvables en particulier pour la nouvelle « Les Vents de Marble Arch » parue dans feu Science Fiction Magazine en 2001 débitée en tranches comme du salami, ou pour « Mort sur le Nil » paru dans un volume de la série des éditions Pocket Isaac Asimov présente [1].
Pour qui n’aurait jamais fréquenté Connie Willis comme auteurs de nouvelles, la lecture des Veilleurs donnera un excellent aperçu de ces principaux charmes auxquels je suis loin d’être insensible. Outre qu’elle maîtrise parfaitement la construction de son récit, comme le montrera d’emblée « Une Lettre des Cleary », dont on taira le ressort, elle fait preuve d’un humour aussi britannique que sa passion pour le Blitz, au cœur des « Vents de Marble Arch » et des « Veilleurs du feu », particulièrement dans « Au Rialto », dans « Tous assis par terre » ou dans quasiment toutes ses postfaces qui accompagnent chaque texte. Capable de faire passer de profondes émotions, « Les Vents de Marble Arch », Connie Willis se révèle très romantique sans toutefois verser dans la mièvrerie et l’amour est au centre de nombreuses nouvelles dont notamment « Infiltrations » et « Tous assis par terre » que nous pouvons découvrir pour la première fois dans notre langue.
Le premier récit est catégorisé comme un court roman (novella) avec ses presque 90 pages et traite du manque de rationalité des américains. C’est une vigoureuse charge sceptique contre la crédulité et le créationisme, rafraîchissante à notre époque où l’intégrisme religieux facilite le travail de sape de la laïcité au nom d’une soi-disant tolérance religieuse. Le second - « Tous assis par terre » - nous montre Connie Willis sur un terrain où je n’avais pas eu l’occasion de la rencontrer en dépit de son classicisme, celui du premier contact extra-terrestre. Le thème est peut-être archi-classique mais son traitement ne l’est absolument pas !
Voilà au final un achat que je ne regrette pas !
[1] Futurs en voie d’extinction en l’occurrence, en 1995, p.95 à p.125.