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LE CHATEAU DANS LE CIEL
dimanche 31 juillet 2016, par
Hayao MIYAZAKI (1941-)
Japon, 1986
Le Château dans le ciel, sorti deux ans après Nausicaä de la Vallée du vent, s’inscrit en partie dans la même veine thématique. Toutefois, nous sommes ici à l’extrême opposée chronologique. Loin d’un univers post-apocalyptique, Le Château dans le ciel prend place dans la seconde moitié du XIXe siècle, en plein essor conquérant de l’industrialisation. Les cités ouvrières et les mines sont explicitement évoquées, tout comme les véhicules aériens.
C’est là que l’imagination de Miyazaki prend tout son sens : dirigeables, forteresses aériennes à la Robur le conquérant, l’inspiration est à chercher du côté du « merveilleux scientifique », en une forme de steampunk avant l’heure. Le navire des pirates, eux-mêmes garants d’un comique certain, présente à ce titre un côté à la fois attachant et fascinant, avec son cerf-volant autonome et ses navettes insectoïdes. Les voyages y sont autant d’occasions poétiques, croisant des concrétions vivantes, des cristallisations atmosphériques, ces simples nuages chargés ici d’une magie particulière. Leur répondent les pierres du sous-sol, génératrices d’un autre ciel étoilé, comme si pour construire l’avenir, il était nécessaire de quitter le plancher des vaches, de prendre des chemins de traverse…
Tout commence avec l’assaut d’une forteresse volante par une bande de pirates dirigée par Maman, et désireux de mettre la main sur un mystérieux cristal. Sheeta, sa propriétaire, se laisse alors choir vers le sol, acquérant un pouvoir de lévitation grâce au dit cristal. Tombée dans l’inconscience, elle est prise en charge par Pazu, un jeune ouvrier orphelin désireux de partir sur les traces de son père. Ce dernier avait en effet aperçu la cité volante et mythique de Laputa, avant de mourir seul et incompris. Fuyant devant les pirates et les militaires, ils finissent par être séparés. Sheeta, identifiée comme étant l’héritière de Laputa par l’armée, est un temps sauvée par un robot de la cité volante, autrefois tombé sur Terre, tandis que Pazu, rallié aux pirates de Maman, parvient à la sauver. Finalement associés aux pirates, les deux orphelins suivent la piste du Goliath, navire de guerre à la recherche de Laputa.
Comme dans Nausicaä, l’espoir s’incarne non pas chez des adultes souvent hostiles, dans le meilleur des cas solidaires mais définitivement ancrés dans la dictature du réel et de l’indispensable, mais à travers un couple d’enfants. Laputa, à l’esthétique superbe et profondément romantique, incarne pour sa part un conservatoire de la nature, à la manière d’un Silent Running. Et si Sheeta s’en réjouit, l’autre descendant de la famille royale n’hésite pas à la détruire pour s’approprier une source d’énergie sans pareille (une nouvelle déclinaison du traumatisme atomique). On saisit bien que Laputa, dont le nom est tiré de Swift, n’est que l’autre dénomination de l’utopie, mais une utopie technicienne, révélatrice du pouvoir destructeur de la science.
Le Château dans le ciel est donc une forme de contre-utopie, un éloge du retour à la terre, aux rythmes naturels, ouvert aux autres et profondément pacifiste. Ce que révèle parfaitement la désintégration de Laputa, entre sa composante la plus technologique, vouée à la destruction et à la chute, et celle protégée par l’arbre géant, qui entame une ascension sans limite.