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Les Sanzindes
dimanche 21 août 2016, par
Vladislav KRAPIVINE (1938-)
URSS, 1989
Black Coat Press, coll. "Rivière blanche", hors-série, 294p., 2016.
Les éditions Rivière blanche poursuivent leur découverte du patrimoine littéraire méconnu de l’URSS et/ou de la Russie, ce qui nous avait déjà valu les anthologies Dimension URSS et Dimension Russie, le recueil La Cité sans nom de Vladimir Odoievski, ou le roman La Robe blanche de Cendrillon de Kir Boulytchev. Vladislas Krapivine est pour sa part un auteur réputé de littérature jeunesse, dont plusieurs romans ont déjà été traduits par les éditions Delahaye au début de ce siècle. Les Sanzindes, dont il est question ici, fait partie d’un vaste cycle intitulé Dans les profondeurs du grand cristal, courant apparemment de 1962 à 1992 (ainsi que l’indique la bibliographie ajoutée en annexe, mais dont le principal défaut est de ne mentionner aucune des éditions françaises existantes).
Le récit prend place dans une société sise en la Fédération occidentale, dont le credo dominant est la stabilité. Le progrès technologique y est donc étroitement contrôlé, voire repoussé, comme dans le cas de la conquête spatiale. Surtout, la population, qui semble bénéficier d’un niveau de vie plutôt confortable, est soumise à l’autorité de la Machine : un système informatique qui fiche les individus dès la naissance, puisque leur est alors implanté une sorte de puce sous-cutanée. Dès lors, chaque infraction commise est enregistrée et fait l’objet d’un tirage au sort, chaque délinquant ayant une chance plus ou moins grande de faire partie des condamnés à mort, véritables boucs émissaires et exemples à ne pas suivre pour tous les survivants. C’est le sort qui échoit à Cornélius Glass, petit-bourgeois transparent (comme son nom l’indique), justement tiré au sort pour avoir simplement traversé en dehors des passages autorisés… On saisit là tout ce que cette société entretient comme similitudes -en inévitablement grossies, bien sûr- avec la société bureaucratique de la défunte Union soviétique. Ce parallèle va jusqu’aux disfonctionnements d’un tel système, puisque Cornélius Glass, pourtant discipliné, lorsqu’il se présente à la prison pour l’exécution fixée, échappe à son sort funeste du fait d’un imbroglio administratif.
Avec la complicité du responsable des lieux, lui aussi mis en cause dans cette anomalie, Cornélius, qui passe pour mort aux yeux du monde extérieur, se voit confiée une tâche ingrate : surveiller les enfants résidant dans l’internat associé à la prison. Ces enfants ne sont pas n’importe lesquels, puisque tous, pour diverses raisons, sont des sanzindes, autrement dit des individus dépourvus de la puce placée normalement dans l’index (d’où leur nom). Désormais responsables de ces enfants, Cornélius va donner un sens nouveau et véritable à son existence. Lui-même va se souvenir de plusieurs de ses souvenirs d’enfance, la difficile vie en classe, où il fut un temps la tête de turc, avant que ce rôle ne soit endossé bien malgré lui par le décalé Anton. C’est avec lui qu’il nouera finalement son amitié la plus solide, Anton lui expliquant la nature cristalline de l’univers, et l’existence de mondes parallèles… Cornélius, par un concours de circonstances, retrouve Anton, et prend en charge les sanzindes afin de les emmener dans un endroit où ils ne seront plus les exclus permanents. Il s’attache également à un autre enfant, qui a vu son index informatisé disparaître subitement à l’âge de dix ans, une anomalie susceptible de mettre en cause l’ensemble du système existant. Ce faisant, Cornélius Glass va transformer sa vie de manière positive et constructive.
Vladislav Krapivine parvient, dans ses portraits psychologiques, à être à la fois juste et convaincant, spécialement à travers les figures enfantines qu’il développe. On peut lire son roman aussi bien comme un éloge de la liberté et de l’épanouissement personnel, loin de tout conformisme, mais également comme une bien belle évocation de l’esprit d’enfance, de ses souffrances, de ses regrets et de ses rêves, avec ces mondes autres, qui s’inscrivent dans la lignée de celui du Grand Meaulnes, entre autres. Seul regret, de ne pouvoir bénéficier d’une édition intégrale du cycle Dans les profondeurs du grand crista, au potentiel intéressant.
Pour commander Les Sanzindes suivez le cours de la Rivière blanche !