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LE CONGRES
dimanche 10 septembre 2017, par
Ari FOLMAN (1962-)
International, 2013
Avec Robin Wright, Harvey Keitel, Danny Huston, Kodi Smit-McPhee, Sami Gayle.
Ari Folman s’est fait mondialement connaître grâce au film Valse avec Bachir, traitement sur le mode de l’animation du conflit israélo-palestinien, plus particulièrement de cette page sordide que fut le massacre de Sabra et Chatila. Avec Le Congrès, il s’essaye à la science-fiction, sur un mode encore plus original.
Le long métrage débute en effet par des prises de vue réelles, mise en abyme troublante, puisque Robin Wright y joue son propre rôle, celui d’une actrice ayant fait les mauvais choix et n’ayant pas concrétisé la carrière à laquelle elle semblait destinée. Les mots à son égard, que ce soit celui de son agent ou de son producteur, sont terriblement durs, et on ne peut que saluer le courage de l’actrice de s’être lancée dans un tel défi, même si son personnage ne coïncide pas en totalité avec elle-même. Pour sortir de cette impasse professionnelle, la Miramount (contraction de Miramar et de Paramount) lui fait la même proposition qu’à d’autres actrices célèbres : se faire scanner et abandonner aux studios l’exclusivité de l’utilisation de cette copie, elle-même devant renoncer à jouer. Poussée par la maladie chronique dont souffre son fils, Aaron, dont l’audition et la vue ne cessent de décliner, Robin accepte finalement pour vingt ans la proposition.
Les deux tiers suivants du film se déroulent vingt ans plus tard, justement. Robin est invité à un congrès futuriste, se déroulant dans une zone appartenant à la Miramount : en y pénétrant, elle se transforme en un personnage de cartoon, et découvre le dernier né d’une série de films de SF, RRR (Robin Robot Rebelle, sic !), type ancien serial, dont l’héroïne n’est autre que son alter-égo scannée. Elle y retrouve son producteur d’antan, qui lui soumet une extension illimitée du contrat initial, ouvrant sur une utilisation chimique libre et personnalisée de son scan… Alors qu’elle vient de dénoncer à la tribune du congrès ce qui est en jeu, Robin subit l’attaque du royaume enchanté de la Miramount par une armée hybride de révolutionnaires, se retrouvant sauvée par celui qui fut l’animateur de sa version numérique. Mais tout cela ne serait-il qu’hallucination ?
Le Congrès, très librement adapté du roman de Stanislas Lem Le Congrès de futurologie (dans sa composante animée), est un film original et inventif, une très belle réussite, non dénuée d’une certaine poésie, sensible dès l’exposition de la vie baroque menée par Robin Wright et ses enfants dans un ancien hangar pour avions, son fils faisant voler ses cerfs-volants près des pistes. L’animation y est colorée, surréaliste, et si la science-fiction est assumée, via un dialogue ironique avec le producteur Jeff Green (Robin et son agent la dévalorisent, tandis que le premier la vante… pour être bien plus efficace et rentable au cinéma qu’en littérature !), le cœur du film est la réflexion sur le monde cinématographique lui-même. Il concerne la propriété de l’image des acteurs, et l’apparition de ces derniers dans des supports qu’ils n’auraient peut-être pas approuvés de leur vivant (on pense à certaines publicités, ou au récent Rogue One, qui se sert de feu Peter Cushing et Carrie Fisher). Le propos est d’ailleurs plus large, et c’est toute la finalité économique des maisons de production, visant le profit avant tout, et rêvant de la suppression de tout intermédiaire humain au profit d’un contrôle véritablement totalitaire du processus de création, qui est dénoncée. Plus, la vision de l’avenir vécue par la Robin animée nous dresse le tableau d’un monde virtuel, artificiel, nourrie du patrimoine culturel, pictural ou religieux, historique ou cinématographique…
Là où Qui veut la peau de Roger Rabbit ? privilégiait le comique et le romantique déluré, Le Congrès adopte un ton plus dramatique, les couleurs n’étant qu’une peinture servant à dissimuler une bien sombre vision du monde, celle d’un cauchemar où le capitalisme dissimule ses ravages et ses inégalités derrière un voile d’illusion, celui d’un rêve vain.