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LA LEGENDE DE BEOWULF
Final Heroic Fantasy
samedi 8 décembre 2007, par
Robert ZEMECKIS (1952-)
Etats-Unis, 2007, Beowulf
Ray Winston, Anthony Hopkins, Robin Wright Penn, Angelina Jolie, John Malkovitch
Sur Wagoo, le nom de Beowulf amène tout de suite un sourire sur les lèvres des chroniqueurs. La critique de Beowulf (1999) en est la cause. Pour involontairement drôle que le film de Baker soit, l’histoire originelle de Beowulf n’a elle rien de comique et si le film de Zemeckis prend des libertés avec la légende classique anglo-saxonne qui s’est construite sur plus d’un millénaire, il lui est aussi assez fidèle dans son esprit. Dès lors, et bien que Zemeckis ait usé d’images de synthèse comme on sait qu’il aime le faire depuis Qui veut la peau de Roger Rabbit ? (1987), La légende de Beowulf n’est pas vraiment un film pour les enfants.
Au VIe siècle, au Danemark, le roi Hrothgar voit l’inauguration de sa salle des fêtes perturbée par le troll Grendel qui massacre sans pitié ses plus vaillants soldats. Le vieux roi offre une récompense somptueuse au héros qui saura le débarrasser de ce fléau. Se présente alors Beowulf, venu du Nord, que ces exploits ont déjà rendu célèbre et qui affronte en corps à corps le monstre et le blesse à mort, s’attirant ainsi le courroux de la mère de Grendel. Pour délivrer Hrothgar de sa malédiction, il part affronter la créature démoniaque mais succombe à ses charmes - elle a les traits d’Angelina Jolie ! - et fait un pacte avec elle qui lui garantit la royauté tant que la corne à boire en or d’Hrothgar restera dans son antre. Devenu brutalement roi, Beowulf règne pendant des années jusqu’à ce qu’un esclave apporte la corne, annonçant le réveil de la malédiction sous les traits d’un dragon qu’il lui faut affronter.
Epopée médiévale issue du monde scandinave et anglo-saxon, Beowulf n’appartient pas vraiment à la culture classique des Français et sans doute ceux-ci ne verront-ils dans le film de Zemeckis qu’une histoire de gros barbares et de monstres sans autres originalités que des effets spéciaux de qualité. Beowulf est pourtant plus que cela, puisque le poème, rédigé en vieil anglais fait partie des classiques étudiés dans certains cours de lettres et que J.R.R. Tolkien lui-même a jugé bon de travailler à sa traduction. Avec La légende de Beowulf s’ouvre donc une lucarne sur une autre culture sans doute plus familière aux amateurs d’heroic fantasy et aux rôlistes.
Les scénaristes de Zemeckis, Roger Avary, qui a travaillé sur les scénarios de Reservoir Dogs, True Romance et Pulp Fiction, et Neil Gaiman qu’on ne présente plus et qui est très intéressé par la mythologie scandinave (cf American Gods), ont cependant quelque peu trahi l’oeuvre littéraire pour les besoins du script en lui donnant quelques aspects plus proches de la tragédie grecque que de la saga norroise. Ainsi la filiation entre Grendel et Hrothgar, le pacte de Beowulf et sa montée sur le trône de Hrothgar ou sa parenté avec le dragon ne doivent-ils à priori rien à l’oeuvre originale. Le but était bien évidemment de donner au script une cohérence que n’a pas la saga. Remarquons cependant qu’ils ont tenu à conserver les références à la christianisation alors que celle-ci apporte peu au film.
Le résultat, entre fidélité et trahison comme toute adaptation, n’aurait pas déplu à Poul Anderson tant il insiste bien sur le côté festif et viril des sagas. Les allusions sexuelles et les scènes de combat violentes ne manquent pas, tout comme les rodomontades quasi-cynégétique des héros. La technologie utilisée par Zemeckis et qu’il a déjà pu expérimenter dans Le pôle express (2004) permet de créer au mieux un monde et des créatures fantastiques dont la vision en version 3D, disponible dans certaines salles, est absolument époustouflante.
Elle manifeste cependant toutes ses limites dans la technique de performance capture utilisée pour donner aux personnages en images de synthèse la gestuelle des acteurs équipés pour ce faire de capteurs. Les démarches, les gestes des bras lors des dialogues, si on peut les attribuer à une volonté de donner un côté théâtral à un récit légendaire, apparaissent au final pas toujours très naturels. Qui plus est, et en définitive, on se demande si la technologie ne sert pas à dissimuler la relative platitude psychologique d’un récit épique auquel les enrichissements des scénaristes ne donnent qu’un relief tout relatif. Sans doute faudrait-il le comparer avec la version Beowulf & Grendel, réalisée par l’Islandais Sturla Gunnarsson en 2005.