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Waylander
Les sentiers de la rédemption
samedi 17 mars 2012, par
David GEMMELL (1948-2006)
Grande-Bretagne, 1986
Dans l’espace du quart de siècle qu’a duré sa carrière d’écrivain, David Gemmell s’est imposé comme un maître de l’Heroic Fantasy. Au centre de son oeuvre résident les contes de Drenaï, une vaste fresque de onze romans retraçant en arrière-plan l’histoire du pays de Drenaï. Si Waylander est chronologiquement le troisième roman de Gemmell, il est en revanche le premier dans la chronologie de la rédaction de Drenaï et l’un des rares romans de la série à mettre en scène un héros au métier peu honorable qui sera au coeur de plusieurs ouvrages. David Gemmell mettait donc sur le devant de la scène un personnage caractéristique du genre : l’assassin et ce presque dix ans avant L’assassin royal de Robin Hobb.
Suite aux réductions budgétaires [1] voulues par le bienveillant et un peu naïf roi Nyallad de Drenaï, les hordes vagriannes menées par le général Kaem ont envahi le pays Drenaï et ravagent littéralement la contrée. Nyallad n’a pas eu à se soucier longtemps du problème car un assassin payé par Kaem met un terme à ses jours. Dans le pays, seuls résistent à l’envahisseur la ville assiégée de Purdol et les généraux Egel et Karnak repliés avec quelques milliers d’hommes dans la forêt. Le pays est livré aux pillards, voleurs, violeurs et membres de la Confrérie noire vagrianne. C’est ce qui mène à la rencontre entre l’assassin Waylander et le prêtre de la Source Dardalion puis avec la belle Danyal et les enfants qui l’accompagnent. Travaillé par un remord de moins en moins vague en partie suscité par l’altruisme absolu du prêtre et la situation des enfants, Waylander, en dépit de tout son cynisme, accepte de partir récupérer l’Armure de bronze du vieux roi Orien, symbole de la puissance passée de l’armée drenaï, cachée par son propriétaire aux fins fonds de la montagne maudite au-delà du pays des tribus nadirs. Lui le cynique redécouvre l’empathie et le sentiment qu’il croyait mort avec son ancienne identité.
Il y a une certaine efficacité chez le jeune auteur Gemmell. Arriver à caser dans les quelques 300 pages (dans la traduction française) du livre un siège mythique, une quête mythique et les atermoiements existentiels d’autant de personnages, cela tient du record. Néanmoins, Waylander donne l’impression au lecteur, qui avec ce roman découvrirait Gemmell et le monde Drenaï, de parler de chose connues de beaucoup sauf de lui. C’est-à-dire que Waylander n’est peut-être pas le meilleur livre pour entrer dans le monde de Drenaï et pourtant c’est le premier dans la chronologie. Peut-être eut-il fallu commencer par Légende.
Un autre effet malheureux de cette efficacité, c’est la rapidité de réalisation des personnages et l’excès de leurs possibilités. C’est surtout vrai de Dardalion, simple prêtre innocent au début du livre, qui devient rapidement un prêtre aux puissants pouvoirs magiques. Le personnage de Kaï, monstre aux pouvoirs quasi-divins, est tout simplement trop puissant, débarque dans le récit comme le deus ex machina, et semble au total une solution de facilité narrative. Il est tout aussi vrai que la fantasy en général, avec ces trilogies aux volumineux piliers, ne nous a pas habitués à cette rapidité. Paradoxalement, l’auteur arrive à être ennuyeux et certains passages traînent en longueur alors que l’accomplissement final de la quête est rapidement traité.
Le livre de Gemmell mérite bien le label Heroic Fantasy, car il traite avant tout d’héroïsme : celui de Waylander bien sûr, mais aussi de Dardalion, des soldats Jonat, Vanek et Gellan, du général Karnak. Il y en a tellement que c’en est presque écoeurant.
Waylander donne l’impression d’un ouvrage d’un auteur encore jeune qui doit encore apprendre à équilibrer son récit. Celui-ci se lit sans difficulté, avec intérêt mais aussi sans avidité et sans risque d’insomnie biblophage. Mais sans doute faut-il prendre en considération l’innovation que constituait Waylander qui appartient aux début de la littérature de fantasy alors qu’il paraît pour la 1ère fois en France en 2001, avec la vague montante d’un genre qui avait quand même déjà vu publier pas mal d’ouvrages dans l’hexagone.
[1] La RGPP est une entité du multivers
qui se manifeste dans toutes les dimensions.