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La Voix du sang (Blood Song, 1)
samedi 22 novembre 2014, par
Anthony RYAN (1970-)
Grande-Bretagne, 2011
Bragelonne, 2014, 671 p.
Comme d’habitude, les commentaires affichés sont dithyrambiques, mais après tout c’est de la pub. La sombre couverture, œuvre de Didier Graffet, en arbore un particulièrement appréciatif émanant d’un blog, le Fantasy Book Critic, érigeant en phénomène ce premier roman. Encore faut-il ne pas se méprendre sur le sens du mot phénomène. Si le lecteur cherche quelque chose de révolutionnaire dans Blood Song, je lui conseillerai de passer son chemin.
Le fait est qu’une histoire d’un jeune garçon abandonné par son père à un Ordre religieux qui a vocation à défendre la Foi et le Royaume en formant des hommes d’armes particulièrement aguerris, ça ne semble pas foncièrement novateur dans le domaine de la Fantasy pas seulement livresque. Que le roman soit construit autour d’un gigantesque retour en arrière supposant que le héros, sur le chemin de sa condamnation, raconte sa vie à un historien n’est pas non plus très innovant. Ceux qui ne me croient pas se reporteront au Nom du vent. Bien évidemment, le héros n’est pas le premier quidam venu. A tout prendre, La Promesse du sang, premier tome de la série des Poudremages, constitue un premier roman bien plus original.
En fait je suis tenté de dire que Blood Song est plutôt très classique ; qu’il ne s’inscrit pas vraiment dans la tendance récente d’une fantasy très sanglante dans la continuité d’un Joe Abercrombie, dont l’éditeur français a fait de la sortie de chaque nouveau volume un événement , ou d’un Mark Lawrence, même si abondent les combats où les membres finissent tranchés.
Cependant Anthony Ryan maîtrise parfaitement, et j’insiste sur le parfaitement, les codes de son genre et les ficelles de son intrigue. Au point de me faire douter quant à l’étiquette "premier roman" de son livre. Le passé éditorial de Blood Song a sans doute beaucoup contribué à cette maîtrise. Ecrit en plusieurs fois, il est découpé en parties dont chacune constitue en quelques sortes une histoire. Sa construction rappelle celles des grands romans de SF des années 50 dont certains étaient des réunions de nouvelles (Demain les chiens, La Patrouille du temps) et présente l’avantage de maintenir son lecteur en haleine sans le lasser par un récit qui se disperse. Il a d’ailleurs été publié en plusieurs morceaux par son auteur avant que les réceptions maxima cum laude ne l’incitent à lui donner une unité - d’où la présence de l’historien qui recueille le témoignage du héros prisonnier - puis qu’un éditeur ne s’en saisisse. C’est un ouvrage qui est donc très travaillé et comme souvent le travail paie, même en utilisant des ressorts aussi classiques que des querelles religieuses, des organisations ésotériques, une cité perdue, des dons cachés et un roi machiavélique.
Alors on est peut-être loin du phénomène, mais à l’instar du Chevalier rouge de Miles Cameron, je pense que voici un livre qui ouvre magistralement une série prometteuse tout en ayant l’avantage de clore une partie de l’intrigue à son terme, ce qui est rare dans le genre. Avec la série du Renégat, c’est une nouvelle réussite à laquelle Bragelonne devrait accorder bien plus d’éloge et d’attention qu’à Joe Abercrombie dont elle tend à faire un de ses auteurs étrangers phare. En effet, il ne m’arrive pas tous les jours de regarder si la suite a été déjà publiée en anglais et surtout d’hésiter à l’acheter avant que la traduction française ne paraisse. C’est à mon sens un critère marquant du plaisir que j’ai eu à lire Blood Song. Si Bragelonne n’édite pas en numérique le deuxième tome de la série Haut-Royaume de Pierre Pevel, il n’est pas exclu que je craque et que j’achète Tower Lord à la place.