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Feuillets de cuivre

samedi 13 février 2016, par Maestro

Fabien CLAVEL (1978-)

France, 2015

ActuSF, coll. "Les Trois souhaits", 344 p.

Fabien Clavel est un auteur qui n’en finit pas de monter. Déjà signataire de romans remarqués, parmi lesquels on citera en particulier Furor, le voici qui s’essaye au steampunk, largement croisé avec fantastique, policier et merveilleux scientifique, avec, comme dans la collection dédiée de chez Bragelonne, un superbe enrobage pour ses Feuillets de cuivre.

Plus qu’un roman, il s’agit là d’un assemblage d’enquêtes distinctes, toutes menées par un inspecteur de police à la carrure puissante mais au psychisme fragile : marqué à vie par son expérience de la guerre lors de l’affrontement franco-prussien de 1870, il connaît également une vie maritale complexe, l’ancienne prostituée avec qui il a convolé basculant dans une forme d’aliénation… Autre particularité, Ragon est un boulimique littéraire, et s’il y a bien un fil rouge à ses investigations, c’est le livre, manuscrit ou imprimé. C’est par les livres qu’il parvient à démasquer le tueur en série de filles de petites mœurs, au lendemain de la Commune ; en 1889, le décryptage du journal d’un hermaphrodite lui permet d’identifier son meurtrier ; en 1893, l’enquête qu’il mène dans la maison où est soigné Maupassant croise Vingt Mille Lieues sous les Mers et une estampe de Hokusai, sous le patronage diabolique des contes fantastiques d’Edgar Allan Poe ; quelques années plus tard, les goûts littéraires d’un mort permettent d’identifier un voyageur temporel socialiste, décédé de singulière façon ; sous l’affaire Dreyfus, le corps supplicié d’un marin tatoué de diverses inscriptions nous introduit dans les milieux de l’extrême droite d’alors ; une bande d’apaches est même utilisée comme « livres vivants » afin de lui délivrer un message codé. Ce dernier récit inaugure une seconde partie au cours de laquelle Ragon va devoir affronter un ennemi récurrent, surnommé l’Anagnoste, véritable double maléfique et contraire (« Jamais la littérature n’améliore quoi que ce soit. Elle se contente de constater la permanence du mal, voire de l’entretenir. », p. 245). Ce faisant, le fin mot de toute l’histoire nous apparaîtra sous le voile des mots…

Car foncièrement, Feuillets de cuivre nous donne l’impression d’un jeu de miroirs, d’un puzzle à multiples dimensions, les situations renvoyant à des références littéraires, réelles ou imaginaires (Heliodore Carcopino, clin d’œil appuyé à l’Antiquité, tout comme le docteur Jerphagnon ou Joseph Veyne, du reste), et à des livres sous les formes les plus improbables, un peu à la manière d’un Borges. «  Une bibliothèque, c’est une âme de cuir et de papier. Il n’y a pas meilleur moyen pour fouiller dans les tréfonds d’une psyché que de jeter un œil aux ouvrages qui la composent. La sélection, le rangement, le contenu, même la qualité de la reliure : me croiriez-vous si je vous disais que j’ai résolu toutes mes enquêtes à partir de livres ? » (p. 118). Fabien Clavel parvient ainsi, par petites touches, à nous faire pénétrer dans un univers bien campé, un steampunk soft, les éléments irréductibles à notre continuum historique étant sommes toutes limités, voire tangents (l’éther est aussi diaphane que sa composition, son existence étant ici prouvée de manière scientifique, un président inconnu succède à Loubet assassiné, et la magie peut se relier à la mode du spiritisme).

Son personnage d’enquêteur bibliophile et physiquement handicapé prend place dans une lignée prestigieuse, qui comprend Sherlock Holmes (à qui il est d’ailleurs indirectement fait allusion) ou Hercule Poirot, et Feuillets de cuivre tend à se rapprocher des textes steampunk de Paul Di Filippo (Pages perdues, La Trilogie steampunk), ce qui n’est pas rien, mais également de l’esprit hommage des Compagnons de l’ombre

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