Accueil > BDSF > Jour J > Le Prince des ténèbres

Le Prince des ténèbres

dimanche 4 février 2018, par Maestro

Scénario : Fred DUVAL, Jean-Pierre PECAU

Dessins : Igor KORDEY

France, 2017

Delcourt, Série B, 3 vol., 66 p. chacun.

Avec cette nouvelle trilogie, qui succède à une première tentative en ce sens, mais centrée sur la Seconde Guerre mondiale (Omega / Opération Charlemagne / Le Crépuscule des damnés), Fred Duval et Jean-Pierre Pécau repoussent les limites de la série uchronique Jour J. C’est en effet à notre histoire proche, très proche même, qu’ils s’intéressent. Jusqu’à présent, seules les années 1960 et 1970 avaient été explorées (dans le doublé L’Imagination au pouvoir / Paris brûle encore, et le tout premier tome de la série Les Russes sur la Lune !), tandis qu’ici, c’est la séquence 1996-2005 qui est au cœur de l’intrigue. Ainsi que les deux premières très belles couvertures l’illustrent bien, ce sont les événements du 11 septembre 2001 que les deux scénaristes revisitent, à l’aide d’un personnage réel retravaillé au prisme de la fiction : John O’Neill, responsable du FBI, qui avait anticipé une attaque terroriste islamiste de grande ampleur sur les Etats-Unis, sans convaincre ses supérieurs, avant de finir sa carrière – et sa vie ! – comme responsable de la sécurité du World Trade Center, début septembre 2001… Le fameux prince des ténèbres, c’est lui.

Le premier tome voit John et deux de ses agents enquêter sur un attentat survenu en Arabie saoudite et ayant causé la mort d’une vingtaine de militaires étatsuniens. Ils découvrent que le commanditaire en est un certain Oussama Ben Laden, et leur enquête leur fait également découvrir son organisation, Al Qaïda, et ses diverses actions de par le monde. Nous sommes alors en 1996-1997, et face à une menace que les hauts responsables des Etats-Unis ne semblent pas vouloir prendre au sérieux, John, associé à un autre électron libre, Bob Baer, décide alors de monter une expédition afin de supprimer Ben Laden, mais les choses tournent mal et provoquent la mort d’un des proches agents de John. Dans le second tome, le père de ce dernier, sénateur richissime, finance un John O’Neill démissionnaire du FBI afin de découvrir l’agent qui les a trahi et de remonter enfin la piste jusque Ben Laden. L’ensemble de ce deuxième volet tourne autour du 11 septembre lui-même, en grande partie enrayé (avec la participation assez surprenante d’anciens Black Panthers !), mais où un avion parvient tout de même à tomber aux mains des terroristes, s’écrasant sur le Lincoln Memorial… non sans avoir été abattu auparavant par la chasse étatsunienne. Le troisième tome se déroule en 2006, alors que Ben Laden, soutenu par l’Iran des mollahs, est toujours dans la nature, pourchassé par Bob Baer, tandis que John O’Neill a été promu directeur du FBI.

Avec cette trilogie, le lecteur découvre les arcanes de la politique internationale, en particulier les relations complexes entre pays du Moyen Orient (Arabie saoudite, Iran, organisations palestiniennes) et Etats-Unis, ainsi que le travail des services secrets. Le personnage de John O’Neill, auquel le dessin donne des faux airs de Richard Nixon, est assez charismatique, et le choix du point de divergence éminemment symbolique. L’élection de John Kerry en 2004 comme président (avec un certain Barack Obama comme vice-président) est également bien sentie, Bush Jr ne pouvant être réélu par absence de son aura d’adversaire d’un terrorisme sans pitié. On notera également une référence appuyée aux liaisons dangereuses entre les Bush et les Ben Laden autour du pétrole. Pour le dernier tome, l’idée d’une chute de la dictature irakienne suite à une initiative française à l’ONU défendant des élections libres apparaît peu crédible (depuis quand la démocratie surpasse-t-elle la realpolitik ?), d’autant que le changement de régime en Irak a provoqué une réaction en chaîne, un printemps arabe avant l’heure, poursuivi et étendu grâce à l’action libre de Bob, nouveau Lawrence d’Arabie. Enfin, ce récit en trois temps présente l’intérêt de démontrer que l’histoire est tout sauf linéaire, et que sur certains événements pourtant porteurs d’un impact mondial, l’enchaînement des faits tient parfois à peu de choses…

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d'indiquer ci-dessous l'identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n'êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions'inscriremot de passe oublié ?