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La guerre des mondes
mercredi 27 juillet 2005, par
Herbert George WELLS (1866-1946)
Grande-Bretagne, 1898
Le récent succès commercial du pitoyable Independence Day a remis au goût du jour le thème de l’invasion extra-terrestre en grande pompe (et non masquée comme dans V ou X-Files), inaugurée il y a tout juste un siècle par Wells, auquel Steven Spielberg rend directement hommage avec son adaptation de 2005. Et pourtant, quel appauvrissement entre le roman, sa première adaptation cinématographique par Byron Haskin en 1953 et cette caricature lourdement patriotique de Emmerich et Devlin !
Les thèmes abordés par Wells sont en effet d’une grande richesse : le déclin de la civilisation et de la vie planétaire (martienne, en l’occurrence, avec l’influence bien visible des théories naturalistes sur la naissance, la vie et la mort des espèces) ; les méfaits de la colonisation, dont c’était l’âge d’or (l’être humain étant traité ici comme du bétail, un singulier retournement de situation qui aurait dû faire réfléchir) ; la vie intelligente mais radicalement autre, irréductible à la nôtre mais à l’égard de laquelle Wells fait preuve de beaucoup d’empathie (les martiens sous forme de poulpes pensants et mécaniciens sont bien loin des sempiternels petits hommes verts) ; la réaction des individus dans des situations de péril extrême et de perte des repères familiers et quotidiens, extrêmement bien rendue à travers des descriptions soucieuses du détail réaliste ; la critique de la religion à travers le personnage du vicaire fou, qui doute de Dieu, et le dénouement éminemment matérialiste, très influencé par les idées darwinistes sur l’évolution ; l’anticipation militaire par le biais des appareils martiens (laser/rayon ardent, gaz de 14-18/fumée noire et tueuse, avions/machine volante)...
Si l’on peut éventuellement regretter que le roman ne se déroule que par le petit bout de la lorgnette, à savoir la vision qu’a des événements un petit bourgeois, philosophe dilettante et son frère Londonien, ce point de vue a le mérite de renforcer le caractère vivant et crédible du récit, en restituant bien l’énorme différence d’échelle entre les humains et les Martiens. Une oeuvre définitivement majeure.