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Guerre & peur

dimanche 22 octobre 2023, par Maestro

Johan HELIOT

France, 2023

Mnémos, 256 p.

Ce nouveau roman de Johan Heliot explore de prime abord un thème qu’il avait déjà brillamment décliné dans Frankenstein 1918 : celui d’une Première Guerre mondiale uchronique. Pour Guerre et peur, le conflit s’est prolongé au-delà de sa délimitation ordinaire, puisqu’en 1924, les hostilités sont toujours d’actualité. Jean Valmont est un tout jeune soldat mobilisé sur le front des Balkans. Pour son baptême du feu, sa compagnie est littéralement décimée, tandis que lui ne subit pas la moindre blessure. Sa situation attire l’attention d’un officier, un capitaine surnommé Grand-Duc (sic). Le voici intégré sous le blaze de Trompe-la-Mort à un groupe plutôt hétérodoxe, l’escouade des évolués, aux côtés de Mademoiselle Spectrale et du Brigadier de Fer, le tout chapeauté par Marie Curie.

Dans ce continuum, en effet, la peur engendrée par la guerre – d’où le titre en forme de clin d’œil au célèbre roman de Tolstoï – a suscité des bouleversements chez le métabolisme d’une minorité de soldats, les faisant muter en leur attribuant des pouvoirs inconnus. Face à l’enlèvement par l’ennemi des plus hauts gradés de l’armée française, les évolués vont devoir mener une mission d’infiltration pour espérer les sauver d’un sort funeste. Plus que de steampunk, il convient de parler ici, dans le sillage de Serge Lehman, de radiumpunk, les véhicules s’avérant en particulier jubilatoires, à commencer par le Léviathan, terrestre et aquatique, doté en outre d’une forme d’intelligence artificielle. L’auteur fait feu de tout bois dans l’inventivité, jusqu’à imaginer une Alsace totalement recouverte de gaz empoisonnés, délaissant a contrario le contexte engendrant et engendré par un tel prolongement de la Première Guerre mondiale (quid de la révolution russe et de ses conséquences, dont on apprend seulement qu’elle a eu comme effet collatéral l’accueil de la famille du tsar chez son cousin Georges V ?), d’autant que Clemenceau est toujours au pouvoir en France. Pourtant, Othon Ier de Bavière, mort en 1916 dans notre réalité, est ici toujours en place, son royaume ayant fait sécession du reste de l’Allemagne et donnant asile au Maître des Terreurs, le dirigeant des augmentés germaniques. À la lecture de Guerre et peur, le lecteur familier de l’œuvre d’Heliot ne manquera pas de se souvenir de sa nouvelle « La nuit du Grand-Duc », publiée dans Johan Heliot vous présente ses hommages, le justicier masqué incarné par de Gaulle agissant en l’occurrence dans les années 1930 ; le de Gaulle de cette version de l’histoire apparaît en tous les cas particulièrement antipathique.

Mais devant ces surhommes français, auquel répondent leurs alter-égo allemands, les premiers étant menés par Marie Curie, on pense forcément à La Brigade chimérique. Une proximité légèrement gênante, car affectant forcément l’originalité du roman de Johan Heliot. Il n’en reste pas moins un hommage sympathique au merveilleux scientifique – rappelons que Johan Heliot avait dirigé l’anthologie La Machine à remonter les rêves. Les enfants de Jules Verne avec Richard Comballot chez le même éditeur – riche de diverses références historiques et culturelles, d’humour également, et dont les personnages féminins sont particulièrement développés.

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