Accueil > TGBSF > D- > Les démons du roi-soleil

Les démons du roi-soleil

jeudi 5 avril 2001, par von Bek

J. Gregory KEYES (1963-)

Etats-Unis, 1998, Newton’s Cannon

Flammarion, coll. Imagine, 2001, 360 p.

Lorsque les auteurs de science-fiction mettent en scène ce que l’on appelle communément l’âge de raison (i.e. les XVIIe-XVIIIe siècles), l’époque de Descartes, Newton, de Leibniz et des philosophes des lumières, c’est souvent pour introduire face à ce temps de rationalisation et de développement de la pensée scientifique, une bonne dose de surnaturel. Ainsi en est-il de la sirène de La lune et le roi-soleil de Vonda McIntyre (1997) ou des Chroniques d’Alvin le Faiseur d’Orson Scott Card. Le livre Les démons du roi-soleil s’avère encore plus ambitieux : premier volet d’une tétralogie, l’auteur dépeint un XVIIIe siècle uchronique incarnant au rebours de la réalité historique, un âge de la déraison.

Cet âge de la déraison se fonde sur une divergences dans les champs d’études suivis par l’illustre sir Isaac Newton. Point n’est ici question de pomme, de gravitation ou de physique mais d’alchimie : sir Isaac s’avère le génial inventeur du mercure philosophal, vecteur de transmission de l’éther et des forces occultes qui régissent la matière composée de quatres éléments (gaz, lux, damnatum et flegme). S’ensuit une véritable révolution scientifique où les mathématiques servent à fabriquer des machines fantastiques utilisées, à l’instar des étherographes, pour communiquer entre elles au mépris des distances, ou pour faire la guerre de manière encore plus efficace.

Car de guerre, il est fortement question dans Les démons du roi-soleil : en effet, Louis XIV, sauvé par les applications de la nouvelle science, règne toujours en 1720 et la guerre de succession d’Espagne (1702-1714, en théorie) ne s’est toujours pas achevée. Marlborough - le duc général, pas le cow-boy fumeux et fumiste au patronyme diminué- envahit progressivement le royaume de France et menace de l’emporter. Aussi, Louis XIV répond-il favorablement à la proposition à lui faite par un français ancien disciple de Newton, de fabriquer une arme capable de rayer Londres de la surface de la planète. Involontairement, et chacun de leur côté, les deux héros du livre, scientifique ethérique (?) passionnés contribuent à la réalisation de cet arme : l’un s’appelle Adrienne de Mornay de Montchevreuil, ancienne élève de Saint-Cyr et protégée de feu Madame de Maintenon, clandestinement scientifique de génie et accessoirement femme ; l’autre est plus connu puisqu’il s’agit rien de moins que Benjamin Franklin, alors jeune homme apprenti imprimeur chez son frère James à Boston et bricoleur génial. Ils comprennent rapidement que derrière l’éther et ses progrès, se dissumulent des êtres qui se présentent comme des anges mais tiennent plus des démons et manipulent les hommes.

Gregory J. Keyes, dont l’essentiel des écrits connus de ce côté de l’océan n’étaient que des participations aux romans des sagas Star Wars et Babylon 5, inaugure ici une série captivante. L’univers ainsi décrit s’avère suffisament déroutant pour dépayser le lecteur tout en le captivant par les péripéties picaresques et les complots machiavéliques qui gravitent autour du soleil royal. Pour autant les références historiques abondent et révèlent un roman très bien documenté : il fallait penser par exemple à la différence de date entre la France catholique convertie au calendrier grégorien de 1582 et une Angleterre prostestante demeurée fidèle au calendrier julien. Grâce à cette documentation, Les démons du roi-soleil fourmille d’allusions, concernant l’entourage royal par exemple, de réferences, comme les travaux de Leibniz, Locke ou les Principia de Newton, et de clins d’oeil, dont le garde des Cent-Suisses qu’est Nicolas d’Artagnan n’est pas le moindre.

On peut se sentir gêné par le contre-pied résolu que constitue le choix de l’auteur de créer une discipline occulte complétement opposée à la science newtonienne. Pour le lecteur connaisseur des Chroniques d’Alvin le faiseur, l’influence d’Orson Scott Card apparaît ici de manière très sensible. Au fil de la lecture, le malaise s’estompe devant le souci de fournir un minimum de rigueur logique à ce cadre théorique.

Dès lors, et compte tenu de la manière dont se clôt ce Newton’s Cannon, les tomes 2 et 3 sont attendus avec d’autant plus d’impatience que le deuxième volume a paru en 1999 aux Etats-Unis sous le titre L’algèbre des anges et que troisième et quatrième volets sont annoncés pour la fin mai et juin 2001 sous les titres L’empire de la déraison et Les ombres de Dieu.

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d'indiquer ci-dessous l'identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n'êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions'inscriremot de passe oublié ?