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L’enjomineur, 1794

mardi 20 juin 2006, par Maestro

Auteur : Pierre BORDAGE (1955-)

Editeur : L’Atalante, 2006, 480 pages.

L’enjomineur 1794 (qui, malgré son titre, se déroule majoritairement en 1793) est le volet conclusif de la trilogie entamée par Pierre Bordage voici maintenant deux ans. On retrouve donc les deux personnages principaux de cette fantasy sur fond de Révolution française, Emile et Cornuaud. Tandis que ce dernier, plus que jamais habité par l’esprit de la sorcière africaine avide de sang blanc, retourne plusieurs fois sa veste pour se ranger du côté des insurgés vendéens en proie à l’offensive des armées bleues ou du côté des révolutionnaires jacobins, Emile découvre peu à peu les secrets de la société secrète de Mithra, avant de renouer avec les créatures féériques qui le poussent au dilemme de sa vie...

Peu de véritables nouveautés dans cet ultime volume, si l’on excepte les origines du Père des Pères et la vie antérieure de la sorcière noire, et en dépit du talent de Bordage, on sent un certain essoufflement sur la longueur. Mais surtout, les options de l’auteur quand à la caractérisation de la Révolution et de sa frange radicale se font ici clairement jour. Une seule citation suffira : « Les extrémistes de tous bords avaient dépecé à grands coups de sabre et de pique l’espoir soulevé par la convocation des Etats généraux. Armande regrettait amèrement d’avoir quatre ans plus tôt épousé la cause révolutionnaire. Son enthousiasme, sa naïveté avaient nourri un monstre. Et le monstre, débarrassé de ses oripeaux humanistes [sic] , se révélait à présent dans toute sa hideur, il dévorait les hommes et les femmes qui l’avaient porté au pouvoir, il mettait le pays à feu et à sang, il défiait les royaumes d’Europe, il semblait chaque jour grandir en puissance et en férocité. Les fanatiques qui prétendaient le guider portaient sur le peuple orphelin un regard acéré et implacable d’oiseau de proie [re-sic] , et c’était sans doute ce qui manquait le plus à Armande et aux autres comploteurs de tous ordres, le regard bienveillant d’un père. »

Au-delà des clichés et poncifs sur la révolution qui dévore ses enfants, preuve d’une absence de prise en compte d’une véritable dialectique des phénomènes révolutionnaires, on appréciera cette conclusion, au choix témoignage d’une nostalgie de la figure tutélaire royale ou anticipation de la nécessité d’un arbitre napoléonien... Sans parler de l’insistance particulièrement lourde mise sur l’ébriété quasiment permanente des troupes de choc des sans culottes, voire sur leur cruauté sans limites. Le tableau est tellement noir qu’il en est caricatural, ce qui suffit à jeter sur cette trilogie une ombre indélébile, la plaçant parmi les moins bons ouvrages de Pierre Bordage. Dommage...

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