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Dimension Galaxies nouvelles - 1
samedi 28 février 2015, par
Pierre GEVART, dir.
France, 2015
Jacques Barbéri, Aliette de Bodard, Jean-Michel Calvez, Fabien Clavel, Alain Dartevelle, Sylvie Denis, Dominique Douay, Sybille Fairmarch, Xavier Mauméjean, Daniel Paris, Laurent Queyssi, Timothée Rey, André Ruellan, Frédéric Serva, Pierre Stolze, Christian Vilà et Martin Winckler.
En 2011, Rivière blanche avait déjà publié Dimension Galaxies, une anthologie réalisée sous la coordination de Jean-Claude Dunyach et Stéphanie Nicot, regroupant quinze nouvelles parues tout au long de l’existence de la revue Galaxies, avant sa reprise par Pierre Gévart. En voici donc la suite logique, seize textes sélectionnés dans les dix premiers numéros du nouveau Galaxies, en attendant de prochains tomes, donc (la revue en est actuellement à son 33ème numéro, sorti début 2015). Le principal intérêt du sommaire de ce recueil, c’est sa diversité, à la fois d’auteurs, de styles et de thématiques.
Cultivant un esthétisme singulier et attachant, Daniel Paris et Laurent Queissy peuvent être rapprochés pour le meilleur. Du premier, « Les baobabs de Mars » est une vision de monde arrivé à sa fin, d’humanité transformée et exilée sur Terre, où la musique demeure un des seuls moyens d’atteindre l’authentique ; du second, « Nuit noire, sol froid », également construit autour d’un morceau de musique, mais sur le thème de l’arche stellaire, parvient à édifier un superbe texte, éloge des conteurs d’antan en même temps que chute réveillant la magie gravitant autour de ces sondes envoyées à travers l’univers, dérisoires témoignages de l’existence humaine. Martin Winckler est juste un cran en-dessous avec « Alice in Wonderland », une belle histoire mêlant rêve et réalité (hard-science), autour de recherches visant à alléger la douleur des personnes en fin de vie, et là aussi, la musique est une clef de l’infini…
Autour de l’invasion extra-terrestre, les « Méduses » de Jean-Michel Calvez sont également touchantes, l’auteur ayant fait le choix d’une narration centrée sur des enfants, qui assistent donc à cette arrivée de méduses différentes sans effroi ni dégoût, juste avec ce qu’il faut d’attraction pour ouvrir la voie au dialogue et/ou à la déferlante. « La vie synchrone » d’Alain Dartevelle s’intéresse également au contact avec des extra-terrestres, les grillômes, mais sur un mode plus tragique : le masque de peau dont ils sont affublés au-dessus de leur visage et qui apporte une sérénité nouvelle aux humains entraîne extermination et exploitation ; on regrettera seulement une chute un peu trop classique, en regard de ce point de départ fascinant. Fabien Clavel, pour sa part, livre un texte délicieusement non-sensique, « Le printemps des murailles » tournant en dérision la tendance au repli sur soi et à l’érection de murailles étanches entre les groupes.
Dans les nouvelles les plus exigeantes et les plus débridées, citons « Hommes d’équipage, les papillons tissent les voiles de vos vaisseaux », de Frédéric Serva (ancien membre du groupe Limite), un récit baignant dans un onirisme spatial, mais à la signification demeurant en grande partie étanche, et « Le Génome et la mort », de Jacques Barbéri, texte bref, mais frappant qui, sous des dehors d’hommage à Silverberg, se rapproche davantage de La Mouche de David Cronenberg, avertissement sans appel sur les dangers du clonage. L’uchronie est également présente avec Sylvie Denis et Aliette de Bodard. « Les danseurs de la lune double » imagine un monde toujours dominé par les blocs, mais où l’URSS, associée à la Chine, ferait jeu égal avec le camp occidental, au point d’avoir réussi à installer des bases rivales sur la Lune. Ce sont les enfants de chaque bloc qui parviendront à signer une possible réconciliation, non sans une légère dose de naïveté. « Chute d’un papillon au point du jour » est plus réussi, une uchronie basée sur la découverte anticipée de l’Amérique par la Chine, ayant permis aux Aztèques de résister aux Espagnols. L’enquête policière menée par l’héroïne de la nouvelle, suffisamment alambiquée pour susciter l’intérêt, est aussi et surtout évocation des ravages à long terme de la guerre civile, en même temps que guerre sororale des sentiments.
Deux nouvelles rendent hommage à Michel Jeury et à son univers. Pour « Prisonnier en son royaume », de Dominique Douay, c’est la fameuse Perte en Ruaba qui est mise en scène, à travers le sort plutôt énigmatique d’un Polynésien prisonnier volontaire (Douay y utilisant son expérience de ces territoires ultra-marins) et l’exode de l’humanité désireuse de trouver refuge dans un autre univers. Christian Vila, avec « Rosée des lianes », livre un texte plus ardu, dont les deux personnages, Albert J et Michel H, sont autant d’alter égos de Jeury / Higon ; l’auteur y joue avec le principe de la chronolyse, offrant deux destinées parallèles et entrecroisées, celle d’un architecte au service des multinationales, et celle d’un écrivain réfugiée au cœur de l’Amazonie, bénéficiant d’ouvertures chamaniques. Une nouvelle riche et stimulante.
« Boulonnaille » de Timothée Rey est moins convaincant, son histoire d’habitant d’un astéroïde aménagé au large de Jupiter se sentant exclu et cherchant une fraternité chez les robots mis au rebut souffrant d’un certain manque de crédibilité. De même, on ne parvient guère à adhérer à « Mon ascenseur parle avec un accent allemand » de Pierre Stolze, une évocation du paradis et de l’enfer certes décalée, mais tellement absurde qu’elle en perd son éventuelle signification en route, tout comme « L’avocat et la prisonnière » de Sybille Fairmarch, qui demeure jusqu’au bout totalement opaque quant à la nature de ce petit groupe d’individus sans mémoire isolés au cœur des Alpes. Quant à André Ruellan, son « Devoir d’achat », bien que partant d’une idée juste -l’obligation de consommer dans nos sociétés bloquées sur un mode suicidaire-, se révèle à la fois brouillon et trop délirant pour marquer les esprits. Malgré ces textes plus faibles, la majorité des nouvelles sélectionnées méritent le détour, et on attend avec impatience les tomes suivants.
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