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Exodes

samedi 22 septembre 2012, par Maestro

Jean-Marc LIGNY (1956-)

France, 2012

L’Atalante, coll. "La Dentelle du Cygne", 544 p.

ISBN : 978-2-84172-592-2

Ce copieux roman de Jean-Marc Ligny, connu en particulier pour Aqua et Aqua<SUP>TM</SUP>, s’inscrit en partie dans la même veine, celle d’une anticipation engagée et écologique. L’action se déroule à la fin de notre siècle, et prend la forme d’une polyphonie de vies, ayant toutes comme cadre commun le continent européen et la cellule familiale, une des rares briques de base de la sociabilité à subsister.

On suit ainsi le sort de la famille Gorayan, le père scientifique étant à la recherche d’un moyen d’allonger la longévité des anciens nantis, réfugiés pour certains dans des enclaves [1] ; celui de Paula, à la recherche de soins et plus largement d’un avenir pour ses deux garçons ; de Mélanie, cinquantenaire vivant à la marge du village et ayant comme lubie de récupérer tous les animaux en difficulté possibles ; de Fernando, voyageant d’Espagne vers le nord afin d’échapper au poids de sa mère, et devenant un boutefeu ; de Mercedes, sa mère, atteinte de paludisme, dont le dernier refuge est la foi au sein d’une secte catholique, et qui attend beaucoup de l’arrivée des anges en soucoupes volantes ; d’Olaf et Risten, enfin, couple scandinave confronté à la pire tragédie pour des parents. Toutes ces individualités vont habilement tisser au fur et à mesure une tapisserie narrative dont le nœud se situe à Davos, lieu hautement symbolique de réunion des puissants, devenu site d’une des fameuses enclaves.

L’ensemble est assurément captivant et effrayant par son souci de réalisme, digne du meilleur Bordage dans son talent de conteur, mais demeure souvent relativement classique au sein des histoires de fins du monde, voire même frustrant une fois le climax retombé, plusieurs fils restant en suspens. La déliquescence du lien social, l’effondrement des Etats, la retombée dans la barbarie (avec cette image forte mais déjà vue du cannibalisme, ainsi dans le récent La route, ou ces Boutefeux qui évoquent furieusement le culte de la nuit éternelle de Théo Varlet dans L’épopée martienne), le désespoir ou même l’émergence d’espèces concurrentes (ici les fourmis, comme dans Demain les chiens de Clifford D. Simak) inscrivent Exodes dans la lignée, entre autre, de La mort de la Terre, un siècle plus tard, en passant par Terre brûlée, Sécheresse et Le monde englouti ou Le monde enfin de Jean-Pierre Andrevon.

Ce qui fait surtout la particularité d’Exodes, au-delà de son choix d’un récit par le bas, c’est son inscription dans l’actualité écologique la plus brûlante, au sens propre du terme. La Terre qu’il décrit est en effet marquée par un réchauffement climatique qui semble s’être emballé, bouleversant l’équilibre animal et végétal. Une bonne partie de l’Europe a ainsi basculé dans un climat tropical, et tandis qu’un certain nombre de territoires étaient recouverts par les flots et que bon nombre d’espèces animales et végétales disparaissaient, d’autres mutaient, à l’image de la moisine, moisissure d’un type nouveau, urticante et envahissante, pour la terre, et de méduses au pouvoir dissolvant sans précédent pour la mer. Les réfugiés climatiques, doublés des migrants de la pauvreté, ont provoqué de véritables guerres de l’immigration, conduisant semble-t-il à l’effondrement économique et à l’impuissance des Etats.

Toutefois, loin des grands récits, Jean-Marc Ligny ne présente jamais d’historique détaillé des événements ayant conduit à ce résultat, au risque de se faire taxer de simplisme dans l’enchaînement des faits et de pessimisme exagéré, loin de toute alternative écosocialiste, par exemple. C’est au contraire le retour d’un féodalisme qui prédomine, souvent xénophobe voire raciste (l’exemple du village modèle nazi norvégien). Une fois de plus, la science-fiction joue le rôle d’un signal d’alarme, que l’on désespère de voir entendu…


[1Avec un clin d’œil au passage au Darwin Alley de Serge Lehman, référence à la nouvelle « Panique sur Darwin Alley » dans le recueil Le livre des ombres.

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