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Harold RAMIS (1944-2014)
Etats-Unis (1993), Groundhog Day
Bill Murray, Andie MacDowell
Chaque 2 février est fêté aux Etats-Unis le jour de la marmotte (Groundhog Day), fête traditionnelle, lors de laquelle on croît pouvoir prédire si les grands froids sont terminés. A Punxsutawney, Pennsylvanie, ce jour revêt un aspect particulier puisque cette prédiction est le fait de Phil, la marmotte, et ouvre une journée de festivités. Bien que la marmotte ne soit pas un extra-terrestre, pas plus que douée de la parole (c’est de la science-fiction pas de l’escroquerie !), l’événement est couvert comme il se doit par les chaînes de télévision locales de Pittsburgh. Il appartient au Mr Météo du Channel 9, Phil Connors (Bill Murray), d’accomplir le reportage à son grand regret tant il lui répugne d’aller passer vingt-quatre heures, chaque année, parmi des gens qui ne sont pour lui que des péquenots.
Pour Phil Connors, ce 2 février va tout changer. D’abord parce qu’il est accompagné par, outre le technicien vidéo, sa nouvelle productrice, Rita (Andie MacDowell). Ensuite parce qu’il est contraint de passer une deuxième nuit à Punxsutawney, à cause d’un blizzard imprévu - un comble pour un M. Météo. Enfin, parce que le lendemain matin à son réveil, la radio fredonne la même rengaine, lance les mêmes blagues foireuses, les mêmes bruits incongrus, qu’à lieu la même rencontre avec l’ex-camarade de classe que le 2 février... PARCE QUE LENDEMAIN N’EXISTE PAS ! Phil - l’homme pas la marmotte - se retrouve condamné pour une raison inconnue à revivre la même journée, même si lui-même est libre de ses actes pendant celle-ci.
Passé un ou deux jours d’expectative, Phil réalise que l’absence de lendemain signifie l’absence de conséquences et donc qu’il peut donner libre court à tous ses rêves. S’ensuit alors de nombreuses journées où s’additionnent plans dragues plus ou moins élaborés, bouffes pantagruéliques, hold up parfaits, avant que la monotonie de ce 2 février et l’amour impossible qu’il se découvre pour Rita, n’amènent Phil a attenter à ses jours par tous les moyens possibles et imaginables. Seule sa capacité à s’amender et à s’améliorer lui permet de supporter ce jour de la marmotte jusqu’à la dernière journée.
Un jour sans fin est un film très américain dans sa moralité. La réitération infinie du même jour apparaît très rapidement comme une punition divine même s’il n’est fait aucune allusion religieuse ou morale. Devenu meilleur, tout en restant lui-même, Phil Connors échappe à sa "malédiction", non sans avoir longtemps travaillé à la réalisation de cette journée parfaite. Sans mentionner un quelconque dogme ou principe chrétien, c’est l’égocentrisme qui est ici dénoncé, sans virulence il est vrai, l’objectif étant de faire rire. Tout le plaisir du film réside d’ailleurs dans ce comique de répétition qui n’en est pas un, puisque chaque journée est à la fois identique et différente.
Le grand plaisir de ce film, qui soit dit en passant donne l’occasion à Bill Murray de se surpasser dans son rôle d’égoïste, dragueur au coeur tendre, repose sur cet arrêt du temps qui semble retenir Phill, concept amusant qui diffère des habituelles histoires temporelles de la science-fiction. L’idée n’est peut-être pas aussi neuve qu’on le croirait puisque Frederik Polh a publié en 1955 une nouvelle (« La tête contre les murs », The Tunnel Under the World [1] ) qui a été adaptée en 1969 par Luigi Cozzi, un cinéaste italien. Son début a clairement inspiré le réveil de Phil.
L’aventure de ce dernier rappellera aussi Replay de Ken Grimwood, mais à la différence de celui-ci, Un jour sans fin ne recèle ni paradoxe, ni uchronie, et donc pas de dimension parallèles. Du moins ne s’y intéresse-t-il pas. Etre prisonnier non pas d’une période mais d’une journée de sa vie est un exercice de style semblable en quelque sorte à ceux de Raymond Queneau qui y décline un événement anodin de toutes les manières que la langue lui autorise.